Musique et enseignement :
ne nous trompons pas d'engagement !
(Réponse à Dania Tchalik)
par Sylvie Pébrier (1)
Sylvie Pébrier répond au texte de Dania Tchalik L’enseignement de la musique et la subversion de l’école publié par Mezetulle fin septembre 2012 (2). Sa réponse, qui s'inscrit dans ce qu'elle appelle à juste titre un « devoir de dialogue », aborde le texte de D. Tchalik par son concept central : l'autonomie des établissements. Les aspects techniques propres à l'enseignement de la musique, nécessaires à son argumentation, ne l'épuisent pas : fidèle en cela au texte qu'elle entend critiquer mais aussi situer, elle élargit son propos à des considérations sur la conception générale de l'école. Considérations auxquelles Mezetulle, on le comprendra aisément à la lecture de l'article et à certaines de ses références, ne souscrit pas : raison de plus pour accueillir ici un texte de qualité et alimenter le dossier !
Sommaire :
- Y a-t-il autonomisation ?
- Un débat pédagogique ravivé
- La puissance de la dénonciation comme symptôme d'impuissance
- Une esthétique des ruines
Notes
Un texte qui dénonce doit toujours être pris au sérieux. Surtout lorsqu’il est hébergé sur un site aussi éminent que celui de Catherine Kintzler, Mezetulle. Et qu’il est relayé par les listes de diffusion de collègues musiciens qui, n’ayant pas fait entendre de voix discordantes depuis sa publication en ligne le 30 septembre dernier, semblent ne pas désapprouver les propos énoncés.
Il n’est pas facile de répondre à un texte dénonciateur. Un texte dénonciateur ne se contente pas toujours d’exposer un constat, mais est souvent traversé par la véhémence de la colère, d’autant plus efficiente qu’elle est servie par un style. Une réponse qui se contenterait seulement de contester les arguments risque de paraître bien fade. Adopter un ton semblable risque de conduire à l’escalade d’attaques réciproques. En dépit des désaccords, il s’agit de prendre en considération cette colère, de tenter d’en éclairer les ressorts, de ne pas exclure les questions soulevées mais bien de les mettre en débat pour donner une chance à la polémique d’être féconde.
1 - Y a-t-il autonomisation ?
L’autonomie est le concept central de l'article de Dania Tchalik, L'enseignement de la musique et la subversion de l'école. Selon l’auteur, il permettrait de comprendre l’ensemble des dysfonctionnements de la vie culturelle, sociale et politique. A partir de 1983, les conservatoires en auraient subi les frais. Mais le terme d’autonomie est employé de manière ambiguë et cette ambiguïté conduit à des inexactitudes.
Depuis le début du XIXe siècle, l’histoire des conservatoires s’est construite sur deux piliers, municipal sur le plan administratif et national sur le plan pédagogique. Sur le plan administratif, il y a toujours eu une autonomie de la commune ou du groupement de communes qui gèrent les conservatoires mais jamais d’autonomie des conservatoires en tant qu'établissements. On ne peut donc pas parler d’administration autonome, c’est même exactement le contraire, puisque les conservatoires sont des structures en régie municipale directe, totalement intégrées à l’ensemble de l’édifice municipal. On ne peut pas parler non plus d’une évolution en 1983 qui attesterait une marche vers l’autonomisation.
Sur le plan pédagogique, il n’y a pas d’autonomie des conservatoires, leur organisation pédagogique est encadrée. La tutelle étatique de la pédagogie est présente sous des formes diverses depuis le XIXe siècle, notamment par l'action d'inspecteurs chargés d'homogénéiser les méthodes sur le modèle du conservatoire supérieur de Paris. On peut relever un pas de plus dans l'encadrement en 1984, avec la publication du premier schéma directeur élaboré par le service de l’inspection du Ministère de la Culture. Mais il faut rappeler que ce texte, dans sa forme développée en 1991 et qui définissait des objectifs pédagogiques nationaux pour les conservatoires, a entraîné une levée de boucliers de directeurs mécontents de ce qu’ils percevaient comme une contrainte pédagogique. Autrement dit, l’évolution récente confirmée par les schémas d’orientation adoptés en 1996 et 2008 marque non pas un mouvement d’autonomisation, mais bien l’inverse.
Rappelons également que les recrutements des enseignants ont été encadrés, limitant l’arbitraire des employeurs. On assiste au début des années 1990 à la création de cadres d’emplois pour les enseignants des conservatoires. Le personnel était jusque-là en majorité vacataire, certes moins dans les conservatoires nationaux de région et dans les écoles nationales de musique, mais quasi à 100% dans les écoles de musique agréées et dans les écoles municipales. Une partie importante des enseignants a pu accéder peu à peu à un statut stable et être titularisée. On peut considérer que ce changement a marqué une étape favorable à la profession, permettant notamment la mobilité des enseignants d’une collectivité à l’autre mais aussi un gain de qualification avec l'accroissement du nombre d'enseignants diplômés (DE ou CA) dans l'ensemble des établissements. D’un point de vue général, la mise en place d’un statut de fonctionnaire territorial des enseignants a atténué les pratiques locales de recrutement au profit de règles homogènes au plan national.
Ces inexactitudes invalident l’idée qu’une logique d’autonomisation serait en route. Elles invalident aussi l’édifice démonstratif qui devait s’appuyer sur ces faits. Il devient impossible d'exploiter ce motif pour s’indigner qu’il y aurait dérogation « au principe républicain d’égalité de traitement sur tout le territoire ». Il devient également impossible de déduire que l’autonomie est à l’origine du recul de l’exigence artistique. Il est encore impossible de s’appuyer sur la date de 1983 pour établir une relation de causalité avec le processus de décentralisation. Il est enfin impossible d’affirmer que ce qui se passe à l’Éducation Nationale aurait déjà été expérimenté dans les Conservatoires. Il est donc impossible d’affirmer que l’autonomie est le maître mot qui permet de comprendre le dérèglement non seulement du système éducatif mais de l’édifice social et politique tout entier. [ Haut de la page ]
2 - Un débat pédagogique ravivé
Pour autant, reste à comprendre ce qui est visé et dénoncé derrière le terme impropre d’autonomie et qui pourrait expliquer pourquoi certains enseignants peuvent se reconnaître dans le texte de Dania Tchalik.
Parlant de l’évolution des conservatoires, le sentiment exprimé par l'auteur est que la transmission et la diffusion de l’art seraient remises en cause, que ceux qui défendent l’exigence artistique et intellectuelle seraient ostracisés et taxés d’élitisme. Le sentiment qu'un discrédit serait jeté sur la hiérarchie maître-élève, la maîtrise des bases du solfège autant qu’envers les élèves doués. Cette situation est perçue plus généralement comme une attaque de « l’universalité d’un savoir désintéressé » et de la qualité des contenus. D’où l'idée énoncée par l'auteur d’un abandon de l’État, voire d’un détournement délibéré opéré par ses experts.
Cette plainte ravive le débat sur la pédagogie des années 1980, débat marqué par le conflit entre « républicains » et « pédagogues ». D'un côté une pédagogie classique centrée sur l'instruction, c'est à dire l'introduction à un ensemble de connaissances dont le cours de maître est l'emblème ; de l'autre une pédagogie progressiste s'inscrivant dans la tradition utopiste de Rousseau ou Pestalozzi, centrée sur la construction du savoir par l'élève dans un environnement où l'enseignant favorise le désir d'apprendre de l'enfant.
Ces débats ont eu un fort retentissement dans le champ musical. Les enjeux en sont très bien formulés dans de nombreux ouvrages, dont celui de Raphaële Vançon, Enseigner la musique, un défi (3). Ce livre a la particularité d'inscrire les modalités d'enseignement de la musique dans leur contexte socio-politique et de montrer les enjeux de pouvoir qu'elles cristallisent depuis trois siècles. Y sont repérés les enjeux de la société chrétienne d'ancien régime autour des maîtrises et de l'opéra, puis ceux de l'éducation républicaine visant les vertus publiques qui s'affirment avec la révolution et la naissance du Conservatoire. Au cours du XIXe et au début du XXe siècle, sont observées les différentes formes de compromis, avec les écoles fondées par Choron, Niedermeyer ou d'Indy, écoles qui se sont toutes constituées en opposition au Conservatoire (4) ainsi que l'évolution des pratiques populaires (5). Autant dire que, pour parler de musique et de sa transmission, on ne peut pas faire l'économie d'une position historique et politique qui tienne compte de la diversité des organisations et des conceptions à l'œuvre depuis plusieurs siècles.
Quelques années après ce débat, on peut faire un triple constat : d'une part la question de l'élitisme n'a pas été dénouée ; d'autre part, l'environnement économique et technique a connu des mutations accélérées avec des effets très préoccupants ; enfin le débat sur l'enseignement s'est déplacé et fait apparaître d'autres clivages.
La question de l'élitisme n'a pas été dénouée. Pour aborder cette question, il faut dissocier deux aspects : d'un côté la question de l'excellence en termes de savoir-faire (talents) et de savoir-être (vertus), de l'autre la question politique de la domination. La difficulté rencontrée jusqu'à présent a tenu dans l'opposition radicalisée entre excellence d'une part et ce qui est du côté de la moyenne, souvent qualifiée péjorativement de nivellement, mais qu'on pourrait qualifier positivement de « pratique suffisamment bonne » (6) d'autre part.
On aurait tort de s'opposer à la valorisation des compétences extra-ordinaires. C'est une erreur d'en sacrifier l'exigence sur l'autel de l'égalisation des chances. La République a besoin des savants et l'excellence, non seulement n'est pas incompatible avec l'ambition démocratique, mais elle lui est tout à fait nécessaire. À l'inverse, on aurait également tort de ne pas valoriser un projet de formation pour tous où la qualité ne se range plus du côté de l'excellence mais de l'acquisition de ces compétences moyennes, qui sont aussi des talents et vertus utiles à l'horizon commun. La perspective démocratique impose de sortir de l’exclusive de l’une vis-à-vis de l’autre et de penser ensemble les « pratiques d'excellence » et les « pratiques suffisamment bonnes » comme également utiles et complémentaires.
L'opposition encore prévalente entre excellence et démocratie se nourrit du glissement entre excellence et élitisme, glissement du terrain technique au terrain socio-politique. Glissement, voire renversement, où la justification politique de la domination prend appui non plus sur la valeur apportée à la communauté mais sur l'a priori qu'une classe serait la meilleure. Le préjugé aristocratique comme le privilège bourgeois ont ainsi détourné l'élitisme de sa dimension utile au bien commun pour en faire l'apanage automatique d'une classe dominante.
Ce à quoi on a assisté, dans la vigueur de la critique des années 1980, c’est à une attaque de l’élitisme qui a entraîné l'excellence avec lui. [ Haut de la page ]
3 - La puissance de la dénonciation comme symptôme d'impuissance
Depuis, l'environnement économique et technique a connu des mutations accélérées avec des effets très préoccupants. Faire porter sur les lieux de formation la responsabilité des problèmes contemporains, c'est évidemment sous estimer d'autres facteurs tels que l'évolution des médias ou des pratiques du net, soumis à la pression d'un marketing intrusif et d'un consumérisme effréné qui enferment dans des fonctionnements immédiats et utilitaires. C'est aussi ne pas faire place à l'affaiblissement d'une promesse sociale, voire à son effondrement, venu saper les bases de l'autorité institutionnelle.
Dans ce contexte, beaucoup d'enseignants sont désemparés, tant les élèves qui leur sont confiés ne ressemblent en rien à ce qu'ils étaient eux-mêmes. Il est en effet très difficile de prendre acte d'une situation déstabilisante, de l'analyser dans sa complexité et de composer avec elle. Il est plus tentant de rejeter cette situation et de désigner des coupables (7), même si les inexactitudes et les simplifications issues de la pensée binaire ont pour seul effet, en focalisant sur un vieux débat, d'aveugler sur le présent et de s'en absenter.
Aujourd'hui, il convient de fédérer les énergies plutôt que de s'épuiser en querelles fratricides. C'est dans un autre clivage qu'il s'agit de prendre parti : contre la transmission de savoirs techniques dans la seule perspective de l'employabilité et pour garantir la vocation culturelle à partir et au-delà de la somme des compétences techniques. « La mission de l'école ne doit pas se réduire à l'acquisition d'une somme de compétences, aussi nécessaires soient-elles, mais elle relève de l'accès à la pensée » (8). L'enjeu de l'autonomie y prend une nouvelle dimension : « L'émancipation sociale et personnelle des individus, c'est bien ce dont l'économie et la finance ne veulent pas, ce qu'accepte clairement et passivement la société dans son ensemble.» (9)
Face à cet enjeu majeur, où la question de l'autonomie trouve sa place légitime comme apprentissage de la liberté (10) et de l’altérité, on voit d'ailleurs se rapprocher des personnalités qui s'étaient opposées dans des temps plus anciens pour affirmer ensemble l'importance de la culture classique ainsi que la place des œuvres, l'importance de la différence générationnelle, de la notion de temps et de durée, contre l'immédiateté du pulsionnel. Le conflit pédagogique des années 1980 est dépassé, doit être dépassé, au profit d'un travail d'articulation plutôt que d'opposition entre des notions telles que contrainte et liberté, autorité de l'adulte et respect de l'enfant, acquisition des connaissances et formation de la personnalité.
C'est d'un tout autre côté que surgit la vogue des pamphlets! Le plus souvent avec une désinvolture intellectuelle étonnante, ces essais se fondent sur des logiques de rumeur qui suffisent à alimenter une dénonciation. Sur fond de catastrophisme… À ce propos, il y a peut-être lieu de ne pas être si pessimiste si l'on observe sur deux ou trois générations que l'accès aux études longues est croissant dans tous les milieux, même si c'est de façon inégale… ou encore que la réussite des filles dans les parcours de formation est plus équilibrée... (11)
Sur fond de catastrophisme donc, se développe un courant se réclamant de « ni gauche ni droite ». Les auteurs sont-ils le relais d'une colère du peuple dont ils se revendiquent ou bien l'attisent-ils en lui retirant les objets d'analyse pour préférer les amalgames et les effets de style ?
C’est que, justement, l’ironie n’est pas toujours bonne conseillère. Même si son brio séduit et revigore ! Elle compte sur sa force de frappe qui restaure un sentiment de fierté chez ceux qui se sentent atteints, voire attaqués. Pour ne pas être guettés par la confusion, il s’agit, après avoir désigné les inexactitudes et resitué l'évolution des enjeux, de déjouer les enjeux du style.
Étrange mélange de puissance et d’impuissance. Puissance de la dénonciation, qui n’hésite pas à caricaturer et à ridiculiser ses détracteurs. Et qui débouche pourtant sur une impuissance à agir. L’article de Dania Tchalik affirme que la responsabilité incombe à la droite comme à la gauche. Il en ressort un paysage sans espoir, un paysage de ruines, condamné par des forces contraires qu’il ne serait pas possible de combattre. Il voit la situation qu’il dénonce comme la conséquence d’une collusion entre « un pédagogisme libertaire ouvertement niveleur par le bas […] et un utilitarisme véhiculé par la déferlante du capitalisme sauvage et la société de consommation ». Dans la version développée de l’article, la quête explicative ne cache pas son attirance pour ce qui s’apparente à une théorie du complot : « Reste à déterminer s’il s’agit d’une simple accumulation de mesures isolées, ou bien d’une stratégie d’ensemble procédant d’une idéologie structurée à l’échelle internationale et disposant de puissants relais dans les sphères administratives. » [ Haut de la page ]
4 - Une esthétique des ruines
À y bien regarder, l'auteur réserve ses coups les plus durs pour la gauche. Au point de relier le spectre de Jack Lang au rapport Lacloche, pourtant commandé sous le quinquennat Sarkozy. Le programme Culture pour chacun, qui découle de ce rapport, est présenté comme « une débauche de gauchitude » et le fruit des actions depuis quarante ans des « thuriféraires, si ardemment de gauche, des pédagogies nouvelles ».
Ce motif de « 40 ans », répété à plusieurs reprises, conduit au point considéré par l’auteur comme l'origine de la subversion. Dans un article précédent consacré au rapport Lockwood, il désignait précisément 1968 comme la rupture décisive, marquant selon lui le début d’un progressif détournement des finalités de l’enseignement vers des objectifs économiques.
Ailleurs, il propose un autre schéma explicatif qui trouverait cette fois son origine dans un ensemble composé des totalitarismes de l’entre deux guerres et du régime de Vichy, d’où procéderait la supposée idéologie du Ministère de la Culture, « idéologie viscéralement anti-intellectualiste rejetant la transmission des connaissances au profit d’une imprégnation culturelle des masses » et d’invoquer à l’appui de cette thèse les écrits de Marc Fumaroli. Mettre ces différentes sources en série produit un effet pour le moins étrange dans son indifférenciation : les totalitarismes et le régime de Vichy, au motif qu’ils auraient valorisé les masses ; Mai 68 en tant que point de départ de la subversion scolaire ; la déferlante du capitalisme sauvage et de la société de consommation. Il faut y ajouter, au détour d'un autre texte, un amont, la dissolution regrettée des maîtrises paroissiales à la Révolution.
L’esthétique des ruines a bonne presse. Dans les pas de Philippe Muray se développe une pensée du politique qui dispense de l’engagement politique, une posture qui trouve dans la jouissance du style le remède à un horizon barré. Où l’on voit apparaître une forme contemporaine de l’héroïsme, non plus dans le monde, mais hors du monde qui met son énergie à constituer ses ennemis. Tout se passe comme s’il s’agissait d’un deuil impossible, celui d’un absolu qui n’aurait pas dû être soumis aux aléas de l’histoire. Rien ne manque à la recension des maux que nous valent les revendications démocratiques.
Arrêtons-nous pour conclure sur une expression « férocité des bons sentiments » qui figure dans la présentation de l’article. Je cite : « Le tout enveloppé dans la férocité des bons sentiments : ne s'agit-il pas de "lutter contre les inégalités" et de favoriser la "créativité" de sorte qu'élever la moindre critique c'est être sinon "élitiste" du moins en décalage avec la "modernité" et "s'arc-bouter sur ses certitudes" ? ».
Que veut dire « férocité des bons sentiments »? La formule est pour le moins paradoxale ! D’un côté, la férocité sert à qualifier le sauvage, le barbare et donc une forme d’inhumanité. De l’autre, les bons sentiments sont crédités de naïveté. Dévaluer ainsi la lutte contre les inégalités ne fait pas large place au principe républicain et laisse entendre l'intention de gommer la pleine qualité du droit d'accès à la formation et à la culture. Dans une formule condensée et intrigante, il s’agit donc bien de revendiquer a contrario une humanité qui se dispenserait de prendre en compte les droits fondamentaux.
L'enjeu du style apparaît. C'est la marque de la mélancolie qui se révèle dans le ton, une mélancolie qui se fige dans l’alliance dangereuse entre la critique du capitalisme et le rejet de la démocratie.
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© Sylvie Pébrier et Mezetulle, 2013
Le dossier du débat :
- L'enseignement de la musique et la subversion de l'école, par Dania Tchalik
- Musique et enseignement : ne nous trompons pas d'engagement !, par Sylvie Pébrier
- Enseignement de la musique : égalitarisme et élitisme par J.-M. Muglioni
- Enseignement de la musique : Dania Tchalik répond à Sylvie Pébrier
- Égalitarisme et élitisme : deux faces d'une même médaille, réponse de D. Tchalik à J.M. Muglioni
Notes [cliquer sur le numéro de la note pour revenir à l'appel de note]
1 – Sylvie Pébrier est professeur associé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
2 – [Note de la rédaction]. Le texte de Dania Tchalik est accessible sur Mezetulle en deux versions : version abrégée en ligne ; version développée en téléchargement format pdf.
3 - L'ouvrage de Raphaële Vançon, Enseigner la musique, un défi, éd. Zurfluh, 2010 intervient après des publications nombreuses qu'il n'est pas possible de toutes citer ici. Mentionnons cependant Jean-Claude Lartigot, L'apprenti instrumentiste, Van de Velde, 1999 et Claude-Henry Joubert, Enseigner la musique, Van de Velde, 1966.
4 - En dépit d'affinités avec des courants qui défendent la capacité émancipatrice de l'enseignement de la musique et la mise en œuvre de méthodes d'enseignement mutuel, Choron fonde l'Ecole royale et spéciale de chant (1817-1830) sur une nostalgie de la chrétienté d'ancien régime. Sur des bases assez proches sur le plan idéologique et pédagogique de celles de Choron, Niedermeyer, fonde l'École de musique classique (1833-1910). Émanation du second Empire, elle sert le pouvoir de l'Église en formant des musiciens adaptés aux besoins du culte. Après 1870, le nationalisme se développe et trouve avec Vincent d'Indy qui crée la Schola Cantorum en 1896, toujours en opposition avec le Conservatoire, un défenseur issu des rangs de la droite monarchiste.()Toutefois il ne forme pas de musiciens pour l'Église.
5 - Les pratiques populaires issues de ces « conservatoires de musique du peuple » que sont les sociétés orphéoniques initiées par Wilhelm dès 1836 témoignent du désir de s'emparer du répertoire valorisé par la bourgeoisie tout en fabriquant des chants propres. L'invention du phonographe en 1877 et de la radio dans les années 1920 vont progressivement donner naissance à de nouvelles pratiques culturelles différentes de celles du spectacle vivant et permettre l'accès à des musiques inconnues (tango, musique noire américaine...)
6 - D’un point de vue psychanalytique, Winnicott a forgé le concept de « good enough mother », dont la traduction dans l'usage courant est « mère suffisamment bonne » ou dans un usage spécialisé dans les cercles psychanalytiques peut aussi être « mère passable » au sens où elle permet de passer, cf Laura Dethiville, DW Winnicott, une nouvelle approche, Campagne première, 2008. Récusant l'idéalisation de la mère parfaite, Winnicott vise avec ce « enough » l'adaptation à l'environnement et donc de façon pragmatique la prise en compte de ce qui est nécessaire au petit enfant. Une mère qui n'est pas parfaite, non seulement n'est pas une mauvaise mère mais c'est la perfection qui est à voir du côté du « trop » et peut être toxique.
7 - On regrette les excès de l’auteur, qui prête aux directeurs, de manière caricaturale et généralisée, les traits de l’incompétence et de la tyrannie. Aux appréciations subjectives taillées à la serpe, se mêlent encore une fois des inexactitudes, notamment quant aux pré-requis artistiques de la fonction.
8 - Philippe Meirieu, dans le cadre du débat avec Marcel Gauchet organisé à Avignon le 13 juillet 2011 sur le thème « Peut-on réinventer l'école ? » in Le Monde du 2 septembre 2011. Sur le caractère inédit de la situation actuelle, Marcel Gauchet déclare dans ce même débat : « Aucun discours hérité ne me semble immédiatement à la hauteur de la réalité scolaire dont nous faisons aujourd'hui l'expérience. »
9 - J. Gautier et G Vergnes, dans l'ouvrage collectif réunissant Denis Kambouchner, Philippe Meirieu, Bernard Stiegler, Julien Gautier et Guillaume Vergne, L'école, le numérique et la société qui vient, Mille et une nuits, 2011.
10 - Un détour par les antonymes du terme autonomie rappelle bien la tentative d'emprise dont il est question : assujettissement, dépendance, vassalité, soumission, subordination...
11 - Informations extraites du pourtant pessimiste ouvrage de Christian Baudelot et Roger Establet, L'élitisme républicain, l'école française à l'épreuve des comparaisons internationales, Seuil, La république des idées, 2009.
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