31 août 1970
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11:21
Débat sur la non-admission des femmes
au Grand Orient de France (IV)
Mixité ? - Non : liberté des Loges !
par Charles Arambourou
Mezetulle accueille une quatrième contribution au dossier-débat ouvert sur la décision récente du GODF de refuser aux Loges la liberté d'initier des femmes.
Charles Arambourou parle ici d'expérience - il appartient en effet à une Loge du GODF qui a initié une femme en 2008. Son texte s'applique à recentrer le débat : si la mixité est à l'horizon, elle apparaît néanmoins comme un élargissement du sujet car la question précise était plutôt celle de la liberté des Loges d'initier ou non des femmes.
Loin d'être anecdotique ou purement verbale, cette mise au point est l'occasion d'une analyse instructive et apporte un éclairage différent, qui n'est pas étranger à la question de la laïcité, et dont le GODF ne sort pas grandi...
J’appartiens à l’une des 5 Loges du GODF qui, en 2008, ont initié 6 Sœurs, reconnues publiquement « comme telles » par le Grand Maître du GODF (qui pourtant refuse actuellement leur inscription administrative). Sans prétendre trancher un débat multiséculaire (dont les Convents du GODF se sont saisis à intervalles réguliers depuis…1869 !), je voudrais ramener à la question posée aux Convents 2008 et 2009 du GODF, qui portait non pas sur de la « mixité », mais sur la liberté des Loges d’initier sans distinction de « genre ». La pierre que j’apporte ne se réclame que de la praxis.
Loin de revendiquer une « transgression », ma Loge a conscience d’avoir, par cette initiation, appliqué le droit « maçonnique », comme celui de la République. Il faut préciser ici que les statuts du GODF, association loi de 1901 depuis 1913, ne contiennent nulle stipulation relative au « genre » - contrairement à la GLNF, à la GLDF (masculines) ou à la GLFF (féminine).
Or, contrairement à ce que semble croire Jean-François R., le Convent du GODF n’a pas « choisi la non-mixité ». Sur quoi donc avait-il à se prononcer ? Nullement sur la « mixité » : celle-ci entraînerait en effet l’obligation pour toutes les Loges d’examiner les candidatures de femmes : à ce titre, je ne la revendique pas. La question posée portait sur la liberté des Loges d’initier (ou non) des femmes. Question redondante, puisque cette liberté découle des statuts de l’association, mais détour indispensable à « l’aggiornamento » de l’Obédience, impliquant l’assentiment de ses membres (qui sont les Loges).
Ce Convent aurait-il alors choisi la « non-liberté » ? Le refus de tout débat, les pressions et manipulations diverses, la violation répétée des règles statutaires, hypothèquent lourdement la portée et le sens du vote. Le désordre le plus total a présidé, au point que le Convent a refusé d’approuver le procès-verbal de la séance ! Bien malin qui peut dire sur quoi les délégués se sont prononcés : beaucoup, sans doute, craignaient de se voir imposer des femmes dans leur Loge ! Disons, au mieux : ce fut un Convent pour rien.
Je formulerai donc trois remarques sur le débat qui se poursuit sur Mezetulle :
Chaque Loge définit souverainement son « parcours initiatique », au nom duquel notamment elle procède à la cooptation de ses nouveaux membres. Le choix d'un rite plutôt que d'un autre en fait partie : mais également celui de travailler entre hommes, ou avec des Soeurs visiteuses, ou avec des Soeurs initiées dans la Loge (cas d’au moins 6 Loges du GODF).
Pas plus que je ne me reconnais le droit - moi qui ne me réclame pas d'une croyance religieuse - de contester la qualité maçonnique des Loges qui travaillent « à la gloire du Grand Architecte », je ne me reconnais celui de dénier à d’autres le choix de la masculinité : je constate qu’il est dominant dans la Franc-Maçonnerie française (dont seulement 11% des adeptes seraient des femmes (1), toutes Obédiences confondues). La liberté ne se divise pas.
Cette affirmation s’entend : nonobstant mes propres convictions universalistes, et sous réserve qu’il s’agisse d’un choix initiatique raisonné, non de l’expression des passions profanes. Car la liberté initiatique est le seul argument invocable – mais inattaquable - en faveur de la masculinité d'une Loge. Toute autre considération (telle la « question érotique »!) est problématique (comme le prouve l’échange sur ce blog), matière à débat récurrent (voire à invectives), mais définitivement incapable d’entraîner l’assentiment commun.
Dès lors, la liberté des Loges est la seule solution maçonnique : que nulle ne prétende imposer aux autres son propre choix initiatique, dès lors que toutes respectent les principes et les statuts de l’association qui les fédère.
Comment se seraient exprimés les délégués au Convent du GODF s'ils avaient eu l'occasion d'entendre ces arguments au cours du débat qui leur fut refusé ? Certainement pas à 56% contre ! Ne refaisons pas l’histoire, mais sa roue tournera inéluctablement…
Enfin, sur le blog d’une philosophe de la laïcité, pourquoi ne pas prolonger la réflexion ?
Respecter la diversité des options (sexuées ou non) des Loges, c'est admettre, même si on ne partage pas ce choix, que certains Francs-Maçons ne se sentent pas prêts à un cheminement qui engage leur intimité spirituelle face à des femmes, comme en témoigne sur le fond Jean-François R. Cela évoluera sans doute, mais à très long terme ! Autrement dit, en bons laïques, distinguons la sphère privée (voire personnelle) du parcours maçonnique choisi par la Loge, et la sphère publique de l'association de Loges qu'est le GODF, définie par ses statuts indifférents au genre !
Le respect de la liberté de conscience (dont fait partie le choix initiatique) conduit un athée à admettre que d'autres citoyens partagent des options religieuses, même s'il les juge fausses, dans le cadre des lois de la République. Ce qu'il faut écarter d'un corps social organisé, ce n'est pas la croyance (même si on la combat philosophiquement), c'est justement la prétention des religions, dans la société « profane », à régenter la sphère publique ; de même, au GODF, celle des « masculinistes » à imposer la « loi particulière » de leur Loge à l'ensemble d'une Obédience qui a fait un choix universaliste, non sexué, depuis au moins 1913 -même si elle ne s’en est pas servie jusqu’en 2008 !
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© Charles Arambourou et Mezetulle, 2009
Notes
1 - Chiffre produit par le Grand Maître du GODF dans un ouvrage récent.
Lire les autres articles de Ch. Arambourou sur ce blog.
A signaler : une discussion entre Charles Arambourou, K. et Claude Amiel dans les commentaires de l'article "La mixité, principe de concorde et de singularité" où C. Arambourou apporte des précisions très éclairantes.
Lire les autres articles du dossier :
au Grand Orient de France (IV)
Mixité ? - Non : liberté des Loges !
par Charles Arambourou
En ligne le 27 septembre 2009
Lire les articles précédents :
Lire les articles précédents :
- Le Grand Orient de France franchit le mur du ç... (Bloc-notes par C.Kintzler)
- Le GODF et la mixité : à propos de quelques tartufferies progressistes (par J.-F. Rémond)
- La mixité, principe de concorde et de singularité (par C.Kintzler)
Mezetulle accueille une quatrième contribution au dossier-débat ouvert sur la décision récente du GODF de refuser aux Loges la liberté d'initier des femmes.
Charles Arambourou parle ici d'expérience - il appartient en effet à une Loge du GODF qui a initié une femme en 2008. Son texte s'applique à recentrer le débat : si la mixité est à l'horizon, elle apparaît néanmoins comme un élargissement du sujet car la question précise était plutôt celle de la liberté des Loges d'initier ou non des femmes.
Loin d'être anecdotique ou purement verbale, cette mise au point est l'occasion d'une analyse instructive et apporte un éclairage différent, qui n'est pas étranger à la question de la laïcité, et dont le GODF ne sort pas grandi...
J’appartiens à l’une des 5 Loges du GODF qui, en 2008, ont initié 6 Sœurs, reconnues publiquement « comme telles » par le Grand Maître du GODF (qui pourtant refuse actuellement leur inscription administrative). Sans prétendre trancher un débat multiséculaire (dont les Convents du GODF se sont saisis à intervalles réguliers depuis…1869 !), je voudrais ramener à la question posée aux Convents 2008 et 2009 du GODF, qui portait non pas sur de la « mixité », mais sur la liberté des Loges d’initier sans distinction de « genre ». La pierre que j’apporte ne se réclame que de la praxis.
Loin de revendiquer une « transgression », ma Loge a conscience d’avoir, par cette initiation, appliqué le droit « maçonnique », comme celui de la République. Il faut préciser ici que les statuts du GODF, association loi de 1901 depuis 1913, ne contiennent nulle stipulation relative au « genre » - contrairement à la GLNF, à la GLDF (masculines) ou à la GLFF (féminine).
Or, contrairement à ce que semble croire Jean-François R., le Convent du GODF n’a pas « choisi la non-mixité ». Sur quoi donc avait-il à se prononcer ? Nullement sur la « mixité » : celle-ci entraînerait en effet l’obligation pour toutes les Loges d’examiner les candidatures de femmes : à ce titre, je ne la revendique pas. La question posée portait sur la liberté des Loges d’initier (ou non) des femmes. Question redondante, puisque cette liberté découle des statuts de l’association, mais détour indispensable à « l’aggiornamento » de l’Obédience, impliquant l’assentiment de ses membres (qui sont les Loges).
Ce Convent aurait-il alors choisi la « non-liberté » ? Le refus de tout débat, les pressions et manipulations diverses, la violation répétée des règles statutaires, hypothèquent lourdement la portée et le sens du vote. Le désordre le plus total a présidé, au point que le Convent a refusé d’approuver le procès-verbal de la séance ! Bien malin qui peut dire sur quoi les délégués se sont prononcés : beaucoup, sans doute, craignaient de se voir imposer des femmes dans leur Loge ! Disons, au mieux : ce fut un Convent pour rien.
Je formulerai donc trois remarques sur le débat qui se poursuit sur Mezetulle :
- Catherine K. et Jean-François R. discutent d’un sujet toujours légitime, la mixité, mais n’éclairent pas la question posée au GODF : la liberté des Loges.
- Ni Catherine K. ni Jean-François R. n’ont « tort », du point de vue « initiatique » (où tout est permis, même de faire tourner les tables !). Du point de vue de l’histoire et du progrès de l’humanité, c’est autre chose : mais le progrès se fait … progressivement, et par le débat.
- Je reconnais parfaitement le droit à Jean-François R. de souhaiter ne travailler qu’entre hommes dans sa Loge, même si je ne partage pas ce choix, et n’entends certes pas l’en priver ! Mais cette tolérance doit être « mutuelle », et elle le peut, comme je vais le montrer.
Chaque Loge définit souverainement son « parcours initiatique », au nom duquel notamment elle procède à la cooptation de ses nouveaux membres. Le choix d'un rite plutôt que d'un autre en fait partie : mais également celui de travailler entre hommes, ou avec des Soeurs visiteuses, ou avec des Soeurs initiées dans la Loge (cas d’au moins 6 Loges du GODF).
Pas plus que je ne me reconnais le droit - moi qui ne me réclame pas d'une croyance religieuse - de contester la qualité maçonnique des Loges qui travaillent « à la gloire du Grand Architecte », je ne me reconnais celui de dénier à d’autres le choix de la masculinité : je constate qu’il est dominant dans la Franc-Maçonnerie française (dont seulement 11% des adeptes seraient des femmes (1), toutes Obédiences confondues). La liberté ne se divise pas.
Cette affirmation s’entend : nonobstant mes propres convictions universalistes, et sous réserve qu’il s’agisse d’un choix initiatique raisonné, non de l’expression des passions profanes. Car la liberté initiatique est le seul argument invocable – mais inattaquable - en faveur de la masculinité d'une Loge. Toute autre considération (telle la « question érotique »!) est problématique (comme le prouve l’échange sur ce blog), matière à débat récurrent (voire à invectives), mais définitivement incapable d’entraîner l’assentiment commun.
Dès lors, la liberté des Loges est la seule solution maçonnique : que nulle ne prétende imposer aux autres son propre choix initiatique, dès lors que toutes respectent les principes et les statuts de l’association qui les fédère.
Comment se seraient exprimés les délégués au Convent du GODF s'ils avaient eu l'occasion d'entendre ces arguments au cours du débat qui leur fut refusé ? Certainement pas à 56% contre ! Ne refaisons pas l’histoire, mais sa roue tournera inéluctablement…
Enfin, sur le blog d’une philosophe de la laïcité, pourquoi ne pas prolonger la réflexion ?
Respecter la diversité des options (sexuées ou non) des Loges, c'est admettre, même si on ne partage pas ce choix, que certains Francs-Maçons ne se sentent pas prêts à un cheminement qui engage leur intimité spirituelle face à des femmes, comme en témoigne sur le fond Jean-François R. Cela évoluera sans doute, mais à très long terme ! Autrement dit, en bons laïques, distinguons la sphère privée (voire personnelle) du parcours maçonnique choisi par la Loge, et la sphère publique de l'association de Loges qu'est le GODF, définie par ses statuts indifférents au genre !
Le respect de la liberté de conscience (dont fait partie le choix initiatique) conduit un athée à admettre que d'autres citoyens partagent des options religieuses, même s'il les juge fausses, dans le cadre des lois de la République. Ce qu'il faut écarter d'un corps social organisé, ce n'est pas la croyance (même si on la combat philosophiquement), c'est justement la prétention des religions, dans la société « profane », à régenter la sphère publique ; de même, au GODF, celle des « masculinistes » à imposer la « loi particulière » de leur Loge à l'ensemble d'une Obédience qui a fait un choix universaliste, non sexué, depuis au moins 1913 -même si elle ne s’en est pas servie jusqu’en 2008 !
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© Charles Arambourou et Mezetulle, 2009
Notes
1 - Chiffre produit par le Grand Maître du GODF dans un ouvrage récent.
Lire les autres articles de Ch. Arambourou sur ce blog.
A signaler : une discussion entre Charles Arambourou, K. et Claude Amiel dans les commentaires de l'article "La mixité, principe de concorde et de singularité" où C. Arambourou apporte des précisions très éclairantes.
Lire les autres articles du dossier :
- Le Grand Orient de France franchit le mur du ç... (Bloc-notes par C.Kintzler)
- Le GODF et la mixité : à propos de quelques tartufferies progressistes (par J.-F. Rémond)
- La mixité, principe de concorde et de singularité (par C.Kintzler)