Bloc-notes actualité
Dans la série « cadeaux offerts à l'extrême droite » :
l'école et l'instruction publique
Après la laïcité (1), la série des cadeaux offerts par la gauche néo-libérale à l'extrême droite se poursuit avec un morceau de choix : l'école républicaine et sa mission d'instruction.
Le cadeau est pourtant disponible depuis bien longtemps, initié par la politique scolaire désastreuse d'Alain Savary qui n'avait pas de mots assez durs pour la mission républicaine d'instruction et dont le mépris pour les professeurs n'a eu d'égal que celui affiché par Claude Allègre. Mais à la différence de la laïcité, le Front national a mis bien longtemps à s'apercevoir qu'il y avait là, déserté par la gauche, un terrain intéressant. C'est que, en la matière, l'extrême droite a été aussi aveugle que les autres : elle a longtemps cru que les professeurs étaient favorables à la trahison de l'école républicaine par les tenants d'un pédagogisme ravageur ; et en plus elle n'a jamais aimé l'école républicaine.
On peut ne pas s'aveugler tout le temps et on peut surmonter quelques dégoûts, surtout quand on est, comme le dit élégamment un cadre frontiste, à l'affût de « parts de marché ». Marine Le Pen lance le Collectif Racine (2), association d'enseignants affiliée au Rassemblement Bleu Marine qui récupère au sujet de l'école les thèmes de simple bon sens totalement abandonnés (quand ils n'ont pas été récusés et montrés du doigt) par les politiques scolaires qui se sont succédé depuis les années 1980 (3). C'était facile, mais encore fallait-il penser que c'est politiquement productif...
Maintenant, vous aller voir que les cadres et militants PS, PC, etc., expliqueront gravement pourquoi c'est s'allier à l'extrême droite que de dire, avec Condorcet, Jules Ferry, Jean Jaurès, Victor Hugo et quelques autres, que la mission de l'école républicaine est d'instruire... N'en doutons pas, ils sont tout à fait à la hauteur. Ils n'auront même pas besoin des doctes arguments hostiles à l'instruction dont ils sont coutumiers et qu'ils empruntent à quelque spécialiste en sciences de l'éducation. Il leur suffira pour cela d'appliquer une parole d'Évangile militaire : « qui n'est pas avec moi est contre moi ». Donc quand Marine Le Pen dit à midi qu'il fait jour, il ne faut surtout pas se demander pourquoi on n'a pas été capable de dire dès l'aube qu'il fait jour : il faut dire qu'il fait nuit ! Et gare à ceux qui disent qu'il fait jour.
Pour remettre les pendules à l'heure, Mezetulle ne va quand même pas conseiller la lecture, entre autres, du De l'école de Jean-Claude Milner ou celle du blog Bonnet d'âne de Jean-Paul Brighelli (4) ou celle du blog La Vie Moderne, ou même, comble de l'horreur, celle d'un article bien senti de Jean Robelin publié par L'Humanité (mais quelle mouche a piqué ce canard bienpensant de publier un tel brûlot ?), non elle conseille la relecture des Cinq Mémoires sur l'instruction publique de Condorcet : encore un facho !
1 - Voir sur Mezetulle l'article Comment la laïcité a été offerte en cadeau au Front national et le livre de Patrick Kessel Ils ont volé la laïcité ! (Paris : éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2012).
2 - « Le Pen à la conquête des profs », Le Parisien 2 octobre 2013, page 6.
3 - A deux exceptions près dans la liste des ministres de l'Education nationale : Jean-Pierre Chevènement et François Bayrou.
4 - [Note ajoutée le 8 octobre] Un autre blog de Jean-Paul Brighelli m'avait échappé, on peut y lire un article sur le sujet : http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/education-ces-professeurs-tentes-par-le-front-national-04-10-2013-1739100_1886.php