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Tuerie en Haute-Savoie : la "scène de crime " intouchable
Quatre cadavres de personnes tuées par balle ont été découverts dans un véhicule en Haute-Savoie, et celui d'un cycliste non loin de là.
Ce qui est effrayant, en effet, et qui défraie la chronique ce matin 6 septembre.
Plus effrayant encore : on a apprend qu'une petite fille de quatre ans, vivante, se trouvait aussi dans le véhicule, sur la "scène de crime" rendue intouchable jusqu'à l'arrivée des agents de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. La fillette serait ainsi restée prostrée pendant de longues heures sans que personne ne lui porte assistance : n'était-elle donc pas en danger ?
On lit ce matin sur Yahoo News :
Elle n'avait pas bougé depuis le meurtre survenu avant 15h50, mercredi. Sa présence n'avait pas été détectée à l'infrarouge à cause des basses températures. La gendarmerie ne pouvait pas toucher au véhicule sans la présence de la police scientifique, explique l'envoyé spécial de 20 Minutes sur place.
Le procureur de la République ouvre le parapluie ce matin, comme le rapporte aussi Yahoo News dans un autre article:
C'est une nécessité sur une scène de crime d'éviter toute pollution pour pouvoir recueillir un maximum d'indices qui permettront peut-être à l'enquête d'avancer rapidement", a-t-il expliqué. "S'agissant d'une scène de crime particulièrement hors normes (...), il paraissait utile aux enquêteurs de recourir à l'IRCGN [Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale].
Autrement dit, il est normal qu'on respecte un protocole sans s'interroger sur ses effets et sa pertinence. De même que dans le théâtre de Molière on meurt guéri, ici on peut mourir parfaitement "investigué" dans les règles de l'art. Sauf que là ce n'est pas du tout comique.
Il est intéressant d'apprendre que, jusqu'à plus ample informé, dans ce genre de situation on ne s'inquiète de savoir s'il y a des vivants qu'à distance - par infra-rouge. Cette macabre navigation aux instruments est probablement une prouesse de l'investigation scientifique : plutôt abandonner un vivant et le tenir pour mort (puisque les instruments n'ont rien détecté, on peut être tranquille) que de perturber une "scène de crime". L'investigation sur les morts et son protocole sont tellement plus importants que l'assistance aux vivants.
[Note du 12 septembre 2012]. Dans son livre L'OEil absolu, Gérard Wajcman analyse notamment cette extension de l'expertise et son lien avec l'investigation post-mortem. Voir l'article que Mezetulle a consacré à ce livre.