Bloc-notes actualité
À la mémoire de François Jacob
François Jacob, prix Nobel, compagnon de la Libération, est mort il y a quelques jours. Un hommage national lui a été consacré : c'est juste, c'est bien. Je tiens à saluer ce combattant de la liberté et de la pensée, grand esprit libre et libérateur, éclairé et éclairant. Je lui dois une des lectures théoriques les plus excitantes de ma vie intellectuelle et aussi de ma vie de professeur de philosophie, mine inépuisable de leçons aussi bien pour moi que pour mes élèves.
Je tiens en effet La Logique du vivant. Une histoire de l'hérédité (Paris : Gallimard, 1970) comme l'un des plus grands ouvrages philosophiques du XXe siècle. L'épistémologie de Bachelard et de Koyré, celle des obstacles, des ruptures, celle qui s'intéresse, au-delà de la fade histoire des idées où on n'est jamais qu'un spectateur, à cerner en quoi la pensée a affaire à elle-même, comment pour se trouver elle doit se fâcher contre elle-même, cette épistémologie, qui nous fut notamment transmise par l'enseignement de François Châtelet, s'y déploie, s'y renouvelle et y montre sa puissance. Et en plus, c'est bien écrit : le roman de la pensée s'y déroule, haletant et jamais anecdotique. Plus de quarante ans se sont écoulés depuis que j'ai ouvert pour la première fois ce livre qui a fait pâlir toutes les autres lectures de philosophie des sciences que j'ai effectuées depuis (1).
1 - Pour être tout à fait honnête, je dois ajouter : à l'exception de l'ouvrage magistral de Françoise Héritier Les Deux sœurs et leur mère (Paris : Odile Jacob, 1994).