7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 14:30

Bloc-notes actualité
Y a-t-il un « droit au blasphème » ?
Un communiqué de l'Observatoire chrétien de la laïcité

En ligne le 7 novembre 2011

On entend parfois, notamment aujourd'hui au sujet du soutien à apporter à Charlie Hebdo et au Théâtre de la Ville, avancer la notion de « droit au blasphème ». En réalité, ceux qui avancent cette idée veulent probablement dire que, dans un pays laïque, la critique et la raillerie peuvent se déployer dans les limites fixées par la loi et quels qu'en soient les objets. 


Mais l'expression « droit au blasphème » ne semble guère opportune. D''abord parce qu'elle reprend à son compte l'idée même de blasphème - notion ignorée par la loi, laquelle ne sanctionne que des délits définis en dehors de toute référence religieuse (injures, diffamation, propagation de fausses nouvelles, etc.). Ensuite parce qu'elle introduit subrepticement l'idée qu'on pourrait revendiquer spécifiquement un tel « droit au blasphème ». Or on ne peut que revendiquer la liberté d'expression, laquelle s'exerce sans autorisation, sans avoir à se référer à un droit explicite précis, dans le silence de la loi, et n'est encadrée explicitement que par des interdits - tout ce qui n'est pas expressément interdit par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas

Il vaudrait mieux abandonner cette expression « droit au blasphème » et laisser ce vocabulaire aux religions et à leurs adeptes : eux seuls seraient habilités à revendiquer comme croyants un « droit au blasphème ». Il serait en outre dangereux d'accréditer l'idée selon laquelle la liberté d'expression se définirait par des occurrences explicites. Le principe de la liberté est qu'elle ne se définit juridiquement que par ses limites. Ainsi l'interdit est plus libérateur qu'une longue liste de permissions.

Pour toutes ces raisons, Mezetulle applaudit au communiqué de presse diffusé par l'Observatoire chrétien de la laïcité le 4 novembre 2011, qui rappelle opportunément ces principes : il n'y a pas de « droit au blasphème » tout simplement parce que le blasphème n'est pas un délit et qu'il ne peut être interdit !
Comme beaucoup de nos concitoyens s'exprimant collectivement ou individuellement nous condamnons les comportements violents d'intégristes religieux qui estiment "défendre" une religion en dénonçant un prétendu blasphème. L'Observatoire Chrétien de la laïcité souligne que dans une société démocratique qui respecte la liberté de pensée  le blasphème en tant que tel n'est pas un  délit. En accuser quelqu'un n'a  de sens que  du point de vue de certaines croyances : il ne saurait concerner qui ne partage pas ces croyances. Dès 2003, on pouvait lire dans notre Manifeste : « La République garantit le droit de critiquer publiquement religions et pensées philosophiques, jusqu’à l’ironie ou la comédie, dans les limites de la loi : aucune conviction organisée ne doit à ce sujet revendiquer un caractère intouchable ou sacré. » 
Les "intégristes" quelles que soient leurs références religieuses ne sont pas les porte-parole de la communauté à laquelle ils disent appartenir. Dans le cas présent, ils en donnent même une image déformée, voire odieuse, contraire au désir du respect du bien commun et de sa "vitalité" manifestée par la création artistique par exemple. Si on est citoyen avant d'être croyant il faut rappeler que démocratie et liberté d'expression ou de création sont intimement liés.
Bien entendu la violence est condamnable. Tout citoyen a le droit de s'exprimer et aucun n'a le  droit d'empêcher l'autre de  le faire. La laïcité qui refuse tout lobby ( et en particulier celui de la peur) demeure le meilleur rempart pour défendre la liberté d'expression contre les tentations de pratiques totalitaires.
Le vendredi 4 novembre 2011
Observatoire Chrétien de la laïcité 68 rue de Babylone 75007 PARIS

Lire et signer la pétition du Comité de soutien Romeo Castellucci sur le site du Théâtre de la Ville
Accueil                     Sommaire
Partager cet article
Repost0

commentaires

T
<br /> Les débats autour du blasphème et de ce qui serait blasphématoire font suite à une lente montée en puissance des lobbies religieux. (voir toutes les affaires précédentes, en France ou en Europe).<br /> Il s'agit de coups de boutoir contre la laïcité.<br /> <br /> <br /> Je suis d'accord, dans le principe, avec votre point de vue. Ce mot n'a pas sa place. Mais on pourrait saisir la balle au bond - entendez , profiter du bond de la balle - pour relever ce qui me<br /> semble être un trait particulièrement pernicieux des religions : la sacralisation du mot, du verbe, de la parole, indépendamment du sens qu'ils peuvent avoir.<br /> <br /> <br /> Particulièrement pernicieux, dangereux puisque la conséquence de cela, c'est<br /> <br /> <br /> - une certaine spoliation de la parole<br /> <br /> <br /> - une dramatisation des mots.<br /> <br /> <br /> Certains sujets deviennent quasi tabous et certains mots deviennent des enjeux importants pour leur utilisateur. De quoi former des esclaves timorés et dociles.<br /> <br /> <br /> La langue n'est un instrument de liberté et d'intelligence que si on la voit comme un instrument, un outil.<br /> <br /> <br /> Alors dans un sens, blasphémons, blasphémons, il faut secouer tout cela.<br />
D
<br /> <br /> Historiquement, le délit de blasphème a été supprimé pendant la révolution française (en 1791, je crois). Mais, à la restauration, il a été réintroduit dans le droit français.<br /> Si mes souvenirs sont bons, les conséquences de ce délit ont été bien moins importantes que sous l'ancien régime. L'internaute intéressé par ce problème pourra se reporter, pour en savoir plus, à<br /> l'ouvrage d'Alain Cabantous : "Histoire du blasphème en Occident : fin XVIe-milieu XIXe siècle", édition Albin Michel.<br /> <br /> Je n'évoquerai qu'un exemple emblématique relatif au problème du blasphème au milieu du 19e siècle : celui des justiciables face à la justice.<br /> <br /> Par l’intermédiaire du serment, la question de la croyance ou de l’incroyance intéressait aussi l’exercice de la justice. Dans les cours d’assises, en disant « je le jure », main levée en<br /> direction du crucifix, les jurés du 19e siècle répétaient implicitement le texte du serment lu par le chef du jury : « Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes d’examiner avec<br /> l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X ». À diverses reprises fut soulevé le cas de jurés incroyants qui exprimèrent vertement leur athéisme par des blasphèmes ce<br /> qui leur valu quelques amendes. Des témoins aussi estimèrent ne pas pouvoir, en conscience, jurer devant Dieu. En 1872, Jean Brunet repoussa l’idée que « des mécréants » pussent « disposer de la<br /> fortune, de l’honneur, de la vie » de leurs concitoyens, car, affirmait-il, « pour accomplir une mission d’un ordre aussi élevé, il faut remonter au principe supérieur de toute morale et de toute<br /> justice », c’est-à-dire à Dieu, « le souverainement juste ».<br /> <br /> En 1882, Jules Roche déposa sur le bureau de la Chambre une proposition de loi signée par de nombreux collègues – parmi lesquels figuraient plusieurs parlementaires bien connus pour leur<br /> appartenance à la Libre-Pensée : Clemenceau, Clovis Hugues, Jean de Lanessan, Désiré Barodet, etc. La proposition fut adoptée par la Chambre le 24 juin 1882, après un débat passionné. Mgr Freppel<br /> demanda sur quel absolu peut reposer une conscience quand elle « n’est pas l’écho de Dieu dans l’homme ». Transmis au Sénat, le texte fut repoussé après un éloquent discours de Robert de Massy :<br /> « Le législateur sait de plus que le sentiment religieux est moralisateur, qu’il est le germe des aspirations les plus hautes et des vertus les plus fécondes, qu’il élève et fortifie les<br /> consciences, enfin qu’il inspire à l’homme le respect de ses devoirs et de sa responsabilité morale »…<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Bonsoir,<br /> <br /> <br /> On a le droit de blasphémer partout en France sauf en région Alsace-Moselle où la loi de 1905 et celle de 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans ce domaine, ne sont pas appliquées.<br /> <br /> Le rattachement de l'Alsace et de la Moselle en 1918 a réintroduit la notion de blasphème dans le droit français, via l'incorporation de l'article 166 du code pénal allemand. En Alsace-Moselle,<br /> il n’y a pas de séparation entre l’Église et l’État (ce n'est pas à vous que je vais l’apprendre, tout de même !). Les articles 166 et 167 du code pénal local d'Alsace-Moselle punissent le<br /> blasphème et l'entrave à l'exercice des cultes de 3 ans d'emprisonnement au maximum. Ces articles ont fait débat récemment lorsqu'ils ont encore été utilisés à l'encontre de militants d'Act-Up.<br /> Le ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire a confirmé, le 1er juin 2006, que ces articles étaient maintenus et toujours applicables en Alsace et en Moselle.De plus, dans toute<br /> la France la « provocation aux crimes et délits » reste sanctionnée (art. 23), de même que l'apologie de crimes contre l'Humanité ou l'incitation à la haine ou à la violence en raison de la<br /> religion (art. 24), ou la diffamation contre un groupe religieux (art. 32).<br /> <br /> On peut citer un exemple :<br /> "le délit de blasphème est encore en vigueur ... en Alsace et Moselle"<br /> <br /> http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article1258<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> <br /> Chère Mezetulle,<br /> <br /> Personnellement, je serais assez pour introduire un délit de blasphème dans notre droit ; à trois conditions :<br /> 1 - que le délit de mensonge y soit tout également introduit, avec une définition du type : toute affirmation d'une "vérité" qui ne serait pas, rationnellement ou scientifiquement, irréfutable ou<br /> vérifiable, est un mensonge<br /> 2 - que tout blasphème contre un mensonge soit considéré comme de la légitime défense... et donc non punissable et même valorisé, comme un droit et un devoir civique.<br /> 3 - Que dans certains cas, très aliénants pour l'individu ou groupe d'individus, l'absence d'exercice du blasphème face à un mensonge, soit considérée comme non-assistance à personne en<br /> danger.<br /> <br /> Je ne vise pas que les "religions" avec ces lois, mais aussi les politiques... et tous ceux qui ont fait de la pratique du mensonge et des croyances, leur fond de commerce.<br /> <br /> Je sais que vos positions minimalistes à propos de la loi vont en être hérissées... mais pensez donc à tous les "bénéfices" sociétaux que nous pourrions en tirer... ;o))))<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Vous avez une vision toute personnelle du "blasphème"... !<br /> <br /> <br /> Oui oui ma passion minimaliste est très choquée <br /> <br /> <br /> Pour uen cure de légitime défense contre le mensonge, je conseille votre blog aux lecteurs Solutions politiques<br /> <br /> <br /> <br />

Nouveau site

Depuis le 1er janvier 2015, le nouveau site Mezetulle.fr a pris le relais du présent site (qui reste intégralement accessible en ligne)

Annonces

 

Le nouveau site Mezetulle.fr est ouvert !

Abonnement à la lettre d'info : suivre ce lien

 

Interventions CK et revue médias

Voir l'agenda et la revue médias sur le nouveau site Mezetulle.fr

 

Publications CK

  • Livre Penser la laïcité (Paris : Minerve, 2014)
  • Livre Condorcet, l'instruction publique et la naissance du citoyen (Paris : Minerve, 2015)

Lettre d'info

Pour s'abonner à la Lettre d'information du nouveau site :

Cliquer ici.