4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 16:19

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Légion d'honneur : Catherine Kintzler accepte et s'explique

En ligne le 4 janvier 2013


S'inspirant de l'interview de Jacques Tardi publiée par Le Parisien du 3 janvier 2013, page 4 (1) - où l'auteur de BD explique son refus de la Légion d'honneur -, Mezetulle a demandé à Catherine Kintzler, nommée chevalier dans la même promotion du 1er janvier 2013, pourquoi elle a accepté.

Rien d'étonnant dans l'acceptation de CK. La bonne femme, à 65 ans, a consacré une partie de son travail à réfléchir sur la notion d'institution politique. Et puis il y a la tradition familiale : fille d'un immigré italien et d'une institutrice, CK a très vite compris qu'elle devait tout à la République. Un refus serait une offense à ses grands-parents qui choisirent la France pour échapper à Mussolini.

Mezetulle - Comment avez-vous appris que vous alliez recevoir la Légion d'honneur et comment avez-vous réagi ?
CK - Le 1er janvier, j'ai reçu un coup de fil d'une personne qui, à mon insu, a suivi mon dossier. Je tombais des nues, je n'ai eu aucun contact, et je n'ai pas été « sondée » ! Je trouve ça significatif : oui, il s'agit d'un signe extérieur, d'une reconnaissance sociale en usage. En ce domaine, on maîtrise déjà très incomplètement les signes qu'on émet, alors que dire de ceux dont on est l'objet ? Et la Légion d'honneur est le contraire d'un signe d'infamie ! Je ne suis pas de ceux qui affectent de regarder de haut toute extériorité. J'ai lu Pascal et La Rochefoucauld ; quoi qu'on fasse avec ce genre de distinction, c'est toujours un peu par vanité : il y a de la vanité à l'accepter, il y en a aussi à la refuser, ainsi qu'à faire savoir que l'on accepte ou que l'on refuse.


M - Vous vous dites républicaine, mais cette distinction n'a-t-elle pas une origine napoléonienne qui pourrait vous faire hésiter ?

CK - Je partageais, avec beaucoup d'autres, le préjugé qui associe la LH au Premier empire par le signifiant « Napoléon ». Il suffit d'une visite sur le site de la LH pour remettre les pendules à l'heure et pour rappeler la distinction entre Napoléon et Bonaparte que Victor Hugo nous a pourtant apprise. Bonaparte a créé la LH par la loi du 29 Floréal an X, qui est expressément une loi de la République. La Troisième République n'a pas jugé opportun d'abolir la LH.


M - Qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de recevoir cette distinction ? N'y a-t-il pas là une sorte de compromission, une perte de liberté ?

CK - Une compromission avec la République ? Je l'espère bien ! Mais vous avez raison : il n'y a jamais de cadeau gratuit. Je me suis interrogée sur ce qu'on pourrait bien exiger de moi dans une sorte de potlatch, et je me suis inquiétée de savoir si ma liberté y serait si peu que ce soit engagée. J'ai donc lu la loi du 29 Floréal An X, particulièrement son article 8 :
Chaque individu admis dans la légion, jurera, sur son honneur, de se dévouer au service de la République, à la conservation de son territoire dans son intégrité, à la défense de ses lois, et des propriétés qu'elles ont consacrées ; de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, à reproduire les titres et qualités qui en étaient l'attribut ; enfin, de concourir de tout son pouvoir au maintien de la liberté et de l'égalité.Cela me va ! On ne demande plus de jurer, mais je ne vois là rien qui pourrait m'empêcher de prêter un tel serment, et rien qui puisse entamer ma liberté.


M - Mais enfin, il y a quelque chose de politique au sens étroit du terme dans de telles nominations. Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, a visé la liste des promotions qui dépendent de son ministère et sur laquelle vous figurez. Cela ne vous gêne pas ?

CK - Vous voulez dire que je devrais mettre mes critiques sur la politique scolaire - qui est hélas menée de manière constante depuis 30 ans - en sourdine et que je devrais pratiquer dorénavant l'autocensure ? Je n'ai pas une si basse idée de la fonction ministérielle que de croire qu'elle achète la complaisance avec un « hochet ». D'ailleurs, je suis sûre que Vincent Peillon m'a lue et comprise, et je suppose que généralement il attend des citoyens une participation active (ce qui ne signifie pas consensuelle) au débat démocratique. Je ne m'en suis jamais privée et je ne compte pas m'en dispenser. Un honneur se reçoit, il n'a pas de prix: on doit lui faire honneur après son attribution ; c'est un encouragement à travailler. Enfin, qu'est-ce que je risque à user de ma liberté ? Rien, car nous sommes en république.

1 - http://www.leparisien.fr/espace-premium/culture-loisirs/je-ne-veux-pas-de-leurs-recompenses-03-01-2013-2450775.php

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commentaires

E
<br /> "Il y a de la vanité à refuser une décoration ."<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Vous faites donc un procès d'intention à ceux qui la refuse et vous mettez en doute leur sincérité quand ils disent qu'il n'y a pas de vanité . Rien ne vous autorise à douter de leur sincérité à<br /> moins que vous n'en ayez des preuves . Des gens sans vanité , c'est rare mais ça existe  , et il y en a qui se foutent carrément d'une rondelle métallique parce que leur travail , c'est ça<br /> qui a de l'importance à leurs yeux . Jésus aurait-il accepté la légion d'honneur ? Vous l'auriez traité de vaniteux ? <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
C
<br /> <br /> Je n'ai pas écrit "Il y a de la vanité à refuser une décoration." de manière isolée comme vous le faites croire en présentant cette expression comme citation d'une phrase autonome (en effet vous<br /> la faites commencer par une lettre capitale et vous la terminez par un point. Cela est vraiment de l'à-peu-près bien peu scrupuleux pour quelqu'un qui prétend donner une leçon.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le procès d'intention, c'est plutôt vous qui le faites en ne citant qu'une partie de la phrase que j'ai écrite - car si on la rétablit on peut dire aussi que je me fais un procès d'intention à<br /> moi-même en écrivant juste avant "il y a de la vanité à l'accepter".<br /> <br /> <br /> De plus, cette phrase est éclairée par les références à deux grands "moralistes" qu'elle contient expressément - personne ne peut s'y méprendre, je souligne par là l'ambivalence des comportements<br /> et usages en la matière et le fait qu'on se fait toujours piéger par l'extériorité et le jugement d'autrui, ce qui ne met aucunement en doute la sincérité de ceux qui se font piéger, dans<br /> lesquels je m'inclus. Rien que de très classique.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je pourrais, en m'inspirant du procédé que vous employez ici à mon égard, prétendre que Jacques Tardi, dans l'interview du Parisien dont je propose un pastiche, fait un procès<br /> d'intention à tous ceux qui acceptent en insinuant qu'ils vendent leur liberté, qu'ils perdent leur indépendance. Mais je ne le fais pas !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ou encore, si je prends votre texte ci-dessus je pourrais prétendre que vous me faites un procès d'intention en suggérant que mon travail n'a pas d'importance à mes yeux puisque je ne me fous pas<br /> d'une rondelle métallique, et donc que vous me traitez de fumiste. Mais je ne le fais pas !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ensuite, vous opérez un glissement entre "il y a de la vanité à ..." et "c'est un vaniteux" : or les deux propositions ne sont pas équivalentes et on ne peut pas conclure de l'une à l'autre.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Si la non publication d'un travail sérieux  pourtant sollicité signifie la non reconnaissance de son contenu et donc de sa valeur , la médaille ne vise-t-elle pas à obliger ?  <br /> <br /> <br /> Et obliger n'est-ce pas susciter insidieusement  une auto censure ?<br /> <br /> <br /> Si une seule médaille remise pour des motifs intéressés  rend supecte toute  remise de médaille , savoir qui sont les décorés  ne s'impose-t-il pas ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
M
<br /> <br /> Il y a quantité d'autres hypothèses sur la signification tant de la non-publication du travail dont vous parlez que pour celle de l'attribution de la médaille, tout aussi vraisemblables les unes<br /> que les autres. Une propriété des signes est en effet la plurivocité. Et comme ici il n'y a rien d'autre que des signes plurivoques, sans rien pour trancher entre les différentes hypothèses leur<br /> donnant un sens, chacun prend l'hypothèse qui lui plaît et peut même en changer plusieurs fois par jour selon son humeur du moment. Lire La Rochefoucauld.<br /> <br /> <br /> Quant à la liste, elle est publique.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> Félicitations !... Y aura un buffet ??? Vous invitez ?<br /> <br /> "Drôle de dilemme" d'avoir à réfléchir sur l'opportunité, ou non, d'accepter une distinction qu'on n'a pas sollicitée...<br /> Personnellement, je l'aurais refusée pour une raison assez simple : cette médaille a distingué à peu près tout et beaucoup n'importe qui... donc, elle a perdu tout son<br /> sens... et je déteste faire des choses qui n'ont pas de sens... Mais ce n'est qu'une humeur personnelle...<br />
I
<br /> Nous avons toute notre raison d'être inquiet de votre acceptation de la Légion d'Honneur. Nous aurions préféré que votre texte raisonnablement critique relatif à la singulière refondation de<br /> l'école figure en bonne place sur le site concerné. Vous devez être fière de l'honneur que représente cette légion. Et nous vous écoutons lorsque vous affirmez garder votre parole et votre<br /> liberté. Mais n'est on pas un jour, ou plusieurs, redevable des hommages reçus. A moins que l'on puisse considérer votre citation comme la reconnaissance républicaine d'une voix minoritaire, et<br /> sans danger, hélas, pour des projets peu républicains. Ayant fait silence sur votre opposition à la refondation, la République reconnait cependant votre personne tout en estompant certaines des<br /> valeurs que vous représentez. A bientôt de vous lire.<br />

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