4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 14:28

Bloc-notes actualité
Institutrice tuée par une mère d'élève : « l'école doit rester ouverte à la société » ...

En ligne le 4 juillet 2014. Mise à jour du 6 juillet

 

Après avoir appris le matin du 4 juillet qu'une mère d'élève a poignardé mortellement une institutrice à Albi, le ministre de l'Education nationale se rend sur place - c'est la moindre des choses - et s'adresse à la presse.

Parmi les paroles évidemment nécessaires d'émotion, de condoléance, de soutien à la famille de la victime, à ses collègues et aux élèves, il précise que cet acte « abominable » était « imprévisible ». Il déclare fort pertinemment que « l'école doit être protégée », ayant besoin de sérénité.
Et puis il ajoute que, oui, il faut protéger l'école, mais « protéger, ce n'est pas fermer : l'école doit rester ouverte sur la société et ouverte aux parents », n'oubliant pas de réitérer une politique trentenaire désastreuse, et versant un acide très déplaisant sur une plaie qui mine les personnels enseignants mais que le personnel politique s'acharne à méconnaître ou à taire (1) : cette profession démunie, humiliée, constamment désavouée, est régulièrement la cible de parents (et d'élèves) indélicats. Mais, comme le précise une récente enquête INSEE, ne dramatisons pas : les meurtres d'enseignants dans le cadre de leur métier sont « rares ». 

Protéger un lieu en l'ouvrant : c'est sûr, on n'y aurait pas pensé, mais c'est oublier que l'école est avant tout un « lieu de vie ». Dire le contraire, c'est faire partie des « oiseaux de mauvais augure » et instrumentaliser une tragédie. 


Eh bien non, Mezetulle ne conçoit pas qu'on prétende respecter la douleur d'une famille et d'une profession en réaffirmant insolemment une politique qui détruit l'autorité des professeurs, qui laisse parents et élèves dicter leur loi au sein de l'école : les condoléances, dans ces conditions, s'apparentent à un crachat jeté à la figure de ceux sur lesquels on s'apitoie, à grands renforts de « cellules de soutien psychologique ».

Ce n'est pas l'école qu'il faut ouvrir, ce sont les yeux des politiques ! Il est urgent de prendre des mesures pour que les professeurs cessent d'être insultés, harcelés, désavoués, agressés physiquement et moralement, poussés au désespoir ! Il faut arrêter de faire de l'école un « lieu ouvert sur la vie » !


Les déclarations du Ministre, je les ai entendues lors de la retransmission complète de sa mini-conférence de presse à la télévision (BFM TV, 14h). Mais je me demande si j'ai rêvé : elles sont actuellement (vendredi 4 juillet, 15h30) introuvables sur le web qui ne diffuse (pour le moment?) que des extrait bien choisis. Une autre conférence de presse est prévue à 17h.

Edit du 6 juillet. On trouve la vidéo intégrale de cette conférence de presse d'une durée de 11 minutes sur BFMTV-Youtube
Ecouter en particulier à partir de 7 minutes pour entendre les propos que je rapporte (7'59 : « la réussite de l'école passe aussi par le fait qu'elle est ouverte aux parents, ouverte aux élèves, ouverte à la société »), et l'allusion aux « oiseaux de mauvais augure qui viendront chercher à faire leur miel de ce type de drame... ». 


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commentaires

L
<br /> Des mots exacts, une analyse impeccable.<br />
H
<br /> L'empressement du ministère à insister sur  le séjour  psychiatrique de la meurtrière est troublant voire suspect  car l'acte a eu lieu dans l'enceinte de l'école et le couteau<br /> qu'elle a  pris le temps de saisir , de transporter et sans doute de dissimuler  était destiné à l'institutrice de sa fille  et  non pas,  sans discernement , à n'importe<br /> quel quidam.  La panique était perceptible au ministère . Eh oui quand l'institution  fait de l'école non plus un lieu d'étude mais "un lieu de vie " ouvert à tous vents et qu'elle<br /> oblige le maître, après l'avoir privé de l'autorité que lui conférait la transmission des savoirs,  à appliquer des réformes déstabilisantes et  destructrices , elle l'expose ,<br /> inévitablement , en première ligne  et  sans  protection,  à essuyer  mécontentement ,  agressivité,  colère,  furie voire folie de parents et ce d'autant<br /> plus qu'elle n'a cessé d'accroître  délibérément  leur  pouvoir tout en  sapant celui du maître qu'elle a destitué .  Voilà pourquoi l'institution a une part de<br /> responsabilité  dont elle voudrait se dédouaner .  Certes elle n'a pas agi directement mais la politique scolaire menée depuis 25 ans  a rendu possibles des paroles , gestes <br /> et  actes qui auparavant étaient improbables voire impensables .  La lâcheté et la médiocrité incitant plus  à fuir ses responsabilités qu'à assumer les conséquences de ses choix ,<br /> Benoît Hamon va  d'autant plus  poursuivre dans cette voie, que n'y connaissant rien à l'école, il s'abreuve auprès de ceux qui  les ont préférées au courage et à l'excellence<br /> .<br /> Martine Hello<br /> Rennes<br />
I
<br /> Oui, effectivement, on ne parlait pas de la même chose, à propos de l'ouverture... et effectivement, les confusions que vous me décrivez me semblent bien ingérables et porteuses de drames...<br /> <br /> Il y a beaucoup de secteurs de la société où le pire est effectivement que l'on sait très bien ce qu'il faudrait faire... Reste à comprendre pourquoi nos politiques ne le font pas, et pourquoi<br /> nous ne trouvons plus de majorité pour conduire et gagner ces combats.<br /> <br /> P.-S. : Hors sujet, pour vous réconcilier avec les mathématiques l'émission d'hier sur France Inter avec Alain Connes... Un régal, pour moi... Dommage que dans mes jeunes années, je n'ai pas eu<br /> l'opportunité de rencontrer un tel personnage, je pense que mon destin aurait été tout autre.<br />
I
<br /> Malheureusement, les mesures que vous décrivez n'auraient à mon avis strictement rien changé au fait que si la meurtrière a fait une "fixation" sur cette institutrice, elle aurait aussi bien pu<br /> l'attendre après l'école pour accomplir sa folie.<br /> <br /> De plus, mon école (75010) dans les années soixante (et dès la maternelle) était une vraie plaque tournante de la vie de quartier (loisirs, sorties, fêtes, simple convivialité... et même<br /> assistance sociale) et cela se passait très bien (avec une population très diversifiée à tous les niveaux) ; mais il est vrai qu'on avait à l'époque un respect (pour ne pas dire une dévotion)<br /> pour les enseignants que les générations actuelles auraient bien du mal à seulement imaginer.<br /> <br /> Donc, je ne peux pas vous suivre sur "l'ouverture" comme signifiant d'une politique particulièrement désastreuse ; par contre oui, "quelque chose" s'est cassé dans la société tout entière et<br /> l'école morfle comme tous les autres... et forcément plus que tous les autres, quand elle devient le lieu de tous les enjeux "névrotiques" parentaux et de toutes les démissions de nos<br /> politiques...<br /> <br /> P.-S. : j'ai lu tous les articles que vous me proposez, et y ai même apporté quelques commentaires... Je reste cependant toujours en manque de visions qui réinscriraient la dégradation du statut<br /> de l'enseignant, dans la "déchéance" généralisée. <br />
M
<br /> <br /> D'après ce que nous savons pour le moment, le meurtre a eu lieu à l'intérieur des locaux scolaires. Mon coup de colère vient de ce que l'événement, en lui-même ponctuel, s'inscrit dans une série<br /> "encourageante" envers incivilités, insultes, agressions : ce que j'ai appelé l'ouverture des vannes. Les professeurs (du reste l'emploi systématique du diminutif "prof" est significatif) sont<br /> des cibles offertes aux "enjeux névrotiques parentaux" non pas parce qu'ils exercent une autorité, mais tout au contraire parce que la politique scolaire depuis trente ans s'acharne à miner toute<br /> autorité de leur part. On est exactement aux antipodes du respect et de la "dévotion" que vous signalez (et qui eux aussi pouvaient se transformer en aversion, ce qui est d'un tout autre ordre).<br /> En agressant aujourd'hui un "prof", on sait qu'on s'en prend à un faible - affaibli qu'il est par le désaveu constant de sa hiérarchie, de l'idéologie anti-scolaire qui inspire nombre de<br /> politiques.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sur la notion d'ouverture, je pense que nous ne parlons pas de la même chose. Vous parlez de fête, loisirs, convivialité : mais cela s'inscrivait sur un fond de travail scolaire séparé, à l'abri<br /> du brouhaha - c'est la fonction traditionnelle de la fête, qui suppose une coupure et donc une alternance. L'ouverture dont je parle est le brouillage constant entre les espaces et les fonctions,<br /> brouillage délibéré : l'élève est constamment confondu avec l'enfant, le travail avec le jeu, la sérénité et l'ambiance contemplative sont impossibles. De telle sorte qu'on ne peut même plus<br /> faire la fête.<br /> <br /> <br /> Que le statut de l'enseignant s'inscrive dans une déchéance généralisée particulièrement des métiers intellectuels (par exemple les médecins), j'en suis d'accord et je n'ai pas d'analyse<br /> particulièrement originale à proposer sur ce point. Mais tout le monde sait très bien ce qu'il faut faire pour rétablir une école qui serait renvoyée à son intérieur.<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> Le meutre d'une enseignante par la mère d'un de ses élèves pendant une heure de classe maternelle est un évènement des plus abominables qui soient. On en reste médusé . . .<br /> <br /> <br /> Vous  avez bien raison de dire que l'école doir être protégée. Mais en lui donnant comme mission d'être un "lieu de vie" "ouvert sur la société" "on" la présente sans défense à toutes les<br /> dérives individuelles et collectives.  L'ouverture de l'école sur la vie est contre la nature même de l'école dont une des fonctions consiste à s'éloigner de l'ici et maintenant pour<br /> approcher l'espace universel et le temps infini. Cette institutrice morte au chants d'honneurs que constituent une classe ne pourra plus donner vie à l'émancipation des petits d'hommes. Tous les<br /> enseignants sont en deuils. Ils portent d'abord  le deuil de leur collègue, ensuite celui de "leur" école.<br />
I
<br /> Procès d'intention ?<br /> <br /> Je ne suis pas sûr qu'on puisse faire d'un "fait divers" - aussi dramatique, révoltant et injuste fût-il - une conséquence et le symptôme d'une politique... Ne serait-il pas plus pertinent de se<br /> demander comment quelqu'un d'aussi perturbé (d'après les infos disponibles sur la meurtrière) a pu en arriver à un tel passage à l'acte ? Qui la suivait ? Etait-elle même suivie ? Alors qu'elle<br /> avait déjà été hospitalisée pour des troubles psychiatriques apparemment pas "bénins"....<br /> <br /> Être au mauvais endroit au mauvais moment, ça arrive tellement "souvent" dans notre société que je ne suis pas sûr qu'on puisse spécifiquement en déduire que l'école serait plus symptomatiquement<br /> atteinte de cette violence qui suinte et est présente dans tous les secteurs. <br /> <br /> Cela dit, ça n'enlève rien à ce que vous dénoncez sur la politique trentenaire désastreuse, qui tient plus à mon sens aux "mutations" (économiques, idéologiques, sociales, ...) dont la société a<br /> été dans son ensemble victime, que de "l'ouverture des écoles"... qui étaient déjà bien ouvertes à mon époque (et à mon avis encore plus qu'aujourd'hui, tant l'instituteur était une "référence")<br /> sans que ça ne pose aucun problème...<br />
M
<br /> <br /> Il faut continuer à minimiser, à marginaliser, à dire "c'est l'exception", à parler de "faits divers" de "la faute à pas de chance" ? <br /> <br /> <br /> Cela fait plus de trente ans que les politiques scolaires s'appliquent à ouvrir les vannes et à renvoyer l'école à son extérieur. Cela dépasse largement le cadre de simples "intentions" !<br /> <br /> <br /> Voir notamment cet article ,<br /> voir les articles de Tristan Béal, de Jean-Michel Muglioni ... voir l'ensemble des articles de la rubrique Ecole ((tous signés par des "oiseaux de mauvais augure")<br /> <br /> <br /> Quand on se propose inlassablement depuis trente ans la transformation de l'école en "lieu de vie", quand on fait savoir à qui veut l'entendre que les professeurs comptent pour du beurre, qu'ils<br /> n'auront jamais le dernier mot, que l'école est "faite pour la société" et autres balivernes, quand on s'applique constamment à brouiller espace scolaire, espace domestique et espace de la rue,<br /> quand on n'offre pas aux élèves le luxe d'une double vie à l'abri de l'extériorité, certes on ne cause pas directement ce genre de "faits divers" (encore heureux!), mais on les facilite, on les<br /> encourage. Le message est parfaitement perçu, et d'abord, cela va de soi, par les personnes "perturbées" et "fragiles"..<br /> <br /> <br /> La question est aussi de savoir comment une personne "perturbée" a pu entrer.<br /> <br /> <br /> Non, l'école n'a pas toujours été ouverte à tous les vents. Ma mère, chef d'établissement, donnait la consigne au gardien de n'ouvrir la porte à personne d'extérieur (y compris les "mamans") qui<br /> ne se soit préalablement et dûment annoncé, même les inspecteurs. Et ce n'était pas une héroïne : elle appliquait tout simplement les directives en vigueur. Et il allait de soi, a<br /> fortiori, que personne d'extérieur ne pouvait pénétrer dans une classe et avoir accès directement aux élèves, à moins d'y être expressément invité par le chef d'établissement. Il est clair<br /> qu'une personne "perturbée" ne serait parvenue à entrer dans un tel établissement que par la force la plus extrême et en faisant assez de tapage pour qu'on songe à la maîtriser avant que se<br /> produise l'irréparable.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> bravo et merci pour eux pour les profs les parents et les enfants<br />

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