21 novembre 2014 5 21 /11 /novembre /2014 10:52

Bloc-notes
La Laïcité: plus de liberté pour tous ! Un livre de Bernard Teper

recension par Pierre Hayat
En ligne le 21 novembre 2014

 

Bernard Teper a récemment publié Laïcité : plus de liberté pour tous ! (éd. Eric Jamet, 2014): ramassée en 130 pages, une réflexion synthétique sur la relation essentielle entre le combat laïque et le combat social, éclairée par une longue pratique militante au sein de l'éducation populaire et nourrie par des lectures. 

 

La laïcité n'est pas un principe « surplombant » : sa promotion engage l'ensemble des préoccupations humaines, de sorte que « il n'y a pas d'avancée laïque sans lien dialectique avec le développement de l'humanité ».

 

Mezetulle reprend ci-dessous, en remerciant l'auteur et le journal en ligne Respublica, l'article d'analyse que Pierre Hayat a consacré à cet ouvrage.

 

On ne trouvera pas dans ce livre l’exposé dogmatique de ce qu’est la laïcité et de ce qu’elle n’est pas. Ni des propos lénifiants sur une laïcité diluée dans de bons sentiments. Moins encore des jérémiades sur la fin de la laïcité de naguère. Ni même une prétendue vision inédite de la laïcité… Alors ? Laïcité : plus de liberté pour tous ! est d’abord l’ouvrage d’un militant de gauche, membre du comité de rédaction du journal en ligne ReSpublica, et d’un militant efficace de la laïcité qui a œuvré dès 1989 pour ce qui deviendra la loi scolaire du 15 mars 2004.Mais ce livre de combats et de débats, se singularise d’abord par la façon dont les idées y sont exposées. Tout le livre semble porter la trace des discussions et des conférences que notre ami Bernard Teper mène inlassablement depuis longtemps. Les arguments font penser à des réponses qu’il a pu apporter à ses interlocuteurs et à des clarifications qu’il a proposées pour ne pas s’embrouiller ou se faire piéger. Dans la crise systémique que nous traversons, ce livre témoigne d’une volonté obstinée d’armer intellectuellement ceux qui se demandent comment agir pour que le mouvement émancipateur reprenne vigueur.

 

L’ouvrage se singularise aussi par une thèse soutenue avec force : la laïcité qui est un principe d’organisation politique, est également un principe d’organisation sociale. La laïcité est faible et incomplète si elle se réduit à émanciper l’autorité politique de la tutelle religieuse tout en garantissant la liberté de croire et de ne pas croire. Sa visée populaire d’union dans un monde commun, quelle que soit l’origine de chacun, a besoin d’institutions sociales qui la concrétisent : un service public solide, une école républicaine préservée, une protection sociale solidaire, des structures de santé sans but lucratif…


Cette thèse qui traverse tout l’ouvrage est d’une grande efficacité pour démasquer l’alliance qui se noue aujourd’hui entre le communautarisme religieux et une politique néo-libérale qui privatise les services publics, harmonise les systèmes de protection sociale par le bas, privatise les gains et fait peser les pertes sur la collectivité. Les religions politiques qui s’emparent du pouvoir d’État sont le résultat sinistre des religions sociales à qui le politique a sous-traité la solidarité, la protection et l’éducation. Par là s’expliquent aussi les difficultés des révolutions arabes et les impasses dans lesquelles s’enferme une gauche aveuglée par les charlatans du communautarisme qui ne porte aucun tort au capital. Du coup, l’histoire de la laïcité ne ressemble pas avec Teper à un long fleuve tranquille mais à des luttes opiniâtres et complexes. Car les combats laïques n’ont jamais été menés en dehors des autres combats politiques, sociaux et culturels. La laïcité perd du terrain dans les phases historiques régressives et gagne en puissance lors des percées démocratiques, comme, par exemple, au cœur du XXe siècle français, pendant le régime de Vichy puis avec le programme du Conseil national de la Résistance. Ce mode de lecture de l’histoire de la laïcité permet également de comprendre qu’un processus de sécularisation, généralement favorable à la laïcité, s’accompagne aujourd’hui d’une montée de l’intégrisme religieux qui défie frontalement la laïcité. Car le néo-libéralisme qui livre les peuples à la précarité extrême laisse le champ libre aux violences et à l’irrationalité des fondamentalismes religieux. On trouve des pages particulièrement éclairantes (pp. 35-38) sur les sources historiques de cette collusion contemporaine du néo-libéralisme mondialisé et des intégrismes religieux, où l’on observe la concomitance à la fin des années 1970 de régressions socio-politiques et d’avancées intégristes (Opus Dei, Frères musulmans, orthodoxes israéliens, etc.).


Cette mise en situation matérialiste et historique du combat laïque ne conduit heureusement pas Bernard Teper à diminuer l’importance du combat laïque ni sa valeur rationaliste et internationaliste. « Le référentiel laïcité, conclut-il,est indispensable pour toute avancée émancipatrice », vers plus de liberté, plus d’égalité et plus de solidarité. Les enjeux de la laïcité sont ceux de notre siècle. Et, comme le souligne Teper, Taslima Nasreen a vu juste en traduisant en anglais le mot « laïcité » par laicity plutôt que par secularism. Tandis que la sécularisation définit un phénomène sociologique objectif, l’effacement du religieux dans la vie sociale, la laïcité exprime une idée émancipatrice, à transcrire dans le droit.

 

Lire l'article de Pierre Hayat sur son site d'origine.

 

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