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Les recettes de la cuisine pédago officielle
et la destruction de l'école : Jean Robelin récidive !
Dans un long entretien avec Esteban Piard pour le magazine Ragemag, Jean Robelin prolonge la tribune qu'il a publiée le 10 mars dans l'Humanité au sujet de l'école et dont Mezetulle a fait récemment état (1). Et une fois de plus, c'est un régal de le lire.
Quelques extraits de ce discours bien senti, juste pour vous mettre l'eau à la bouche.
Sur la politique scolaire de la gauche
La gauche est coupable d’avoir retiré toute autorité aux enseignants, en les coinçant entre une administration dont on exige qu’elle ne punisse pas, et des associations consuméristes de parents d’élèves qui s’arrogent le pouvoir de juger les enseignants, de leur apprendre leur métier. Moins on entend parler d’un établissement, mieux son chef est considéré, c’est l’inverse de la prime au rendement : la prime au silence. Donc pas de vagues. La gauche est coupable d’avoir dessaisi les enseignants de leur métier en leur imposant les recettes de la cuisine pédago officielle.[...] Le problème du PS n’est pas de concevoir une école du peuple, c’est de satisfaire les exigences de formation immédiate de la main-d’œuvre pour les entreprises, définies dans les documents de la Communauté européenne et dans ceux de l’OCDE. De ce point de vue, son programme n’est pas différent de celui de la droite. Apprendre à apprendre, c’est tout simplement remplacer la culture — c’est-à-dire la façon dont les individus se font eux-mêmes — par des procédures extérieures, des méthodes sans contenu qui correspondent à la transformation du travail intellectuel ou semi-intellectuel dans les entreprises, en application de procédures mécanisables, en particulier par l’informatisation des processus de travail… Ces procédures sont ce qui rend les individus substituables, avec comme conséquence qu’on peut plus facilement les virer parce qu’on peut les remplacer.
Sur la dévalorisation et de désespoir des professeurs
L’école vit dans les résistances à l’idéologie officielle, dans les efforts que font de nombreux enseignants, mus par une sorte de stoïcisme du désespoir, pour continuer à diffuser la culture. Mais c’est à ceux-là que l’on reproche de ne pas appliquer des âneries auxquelles on renonce deux ans après leur mise en place, parce qu’elles ont montré leur sottise. J’en connais, de ces enseignants excellents, sacqués dans les inspections, parce qu’ils refusaient les travaux personnels encadrés, les livrets d’incompétence et autres sornettes. [...]Lisez les discussions d’enseignants sur le Net, vous y verrez le poids du désespoir qui atteint la profession. Croyez-vous que des gens qui ont la possibilité d’échapper à l’enseignement, en particulier dans les matières scientifiques, feront cinq ans d’études ou plus, pour aller se faire cracher dessus dans une ZEP, le tout pour un salaire de début équivalent à 1,3 SMIC ?
Sur le « baratin pédagogiste »
[...] dans mon expérience professionnelle, les profs pédagogistes rencontrés étaient des gens qui généralement mendiaient l’amour de leurs élèves, ce qui n’est ni une bonne façon d’éduquer, ni un signe d’équilibre personnel. Et ce que j’ai constaté, c’est que les pédagogistes sont de mauvais pédagogues. Ce qu’il y a derrière tout cela, c’est qu’on veut des similis mamans, des doubles de la famille, et tant pis pour le savoir. C’est l’école garderie qui est en marche.[...] Ce qu’on appelle le conservatisme des enseignants, c’est leur refus de se transformer en baby-sitters. Il est clair aussi que l’école n’a pas à suivre le mouvement de la société. Un parent d’élève disait un jour à ma femme : « les enfants sont désormais des enfants de la pub, il faut leur enseigner comme à des enfants de la pub. » Si on veut fabriquer des chiens de Pavlov théoriques, faisons cela. L’école a des fonctions propres : enseigner pour éduquer.
Sur l'université
La coupure entre enseignement et recherche devient un gouffre, favorisant les comportements de mépris pour l’enseignement de la part des profs. Les notes sont bradées, parce que la concurrence entre les disciplines oblige à tout faire pour garder les étudiants et éviter leur fuite vers les disciplines « conciliantes ». C’est le sens de l’ « offre de savoir ». Le savoir n’est pas une offre répondant une demande, il crée son désir quand on est plongé dedans.
Et la péroraison :
Il est important en ce moment de libérer la parole des acteurs, des enseignants eux-mêmes, trop longtemps étouffés sous la chape du discours officiel relayé par les partis et les syndicats. Or les réactions, y compris les courriels qui me sont adressés, à la tribune que j’ai écrite, et que L’Humanité a publié au grand étonnement de ses lecteurs, celles à d’autres articles comme le mien, montrent combien ce discours officiel est en décalage avec le terrain, combien il est artificiel. Que Peillon soumette son baratin pédagogiste à un référendum chez les enseignants, je parie qu’il prendra une raclée, malgré le soutien de la machinerie étatique. Car sa concertation sur l’école était, comme toutes les initiatives de ce genre, une mascarade.
1 - Voir l'article du Bloc-notes Jean Robelin, la gauche et l'éducation, où l'on trouvera le lien vers le texte de la tribune publiée sur le site de l'Humanité.
Lire l'intégralité de l'entretien sur le site de Ragemag : Jean Robelin « C'est l'école garderie qui est en marche »
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