16 mai 2009
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Bloc-notes
Une enseignante poignardée
et le « sentiment d'injustice à l'école »
On apprend la grave agression à l'arme blanche sur la personne d'un professeur vendredi 15 mai par un élève de 13 ans qui « n'aurait pas apprécié d'être puni ». Le pronostic vital a même été engagé pendant quelque temps.
C'est juste le moment (samedi 16 mai) que choisit le chroniqueur spécialiste de l'éducation sur France-Info pour promouvoir un livre qui fait notamment état d'un « sentiment d'injustice » chez les élèves. Il se fend d'un petit avertissement - évidemment ce livre n'a rien à voir avec ce qui s'est passé hier - et puis zou, on diffuse quand même la chronique qu'il avait préparée, laquelle devient carrément indécente.
Ben voyons, les élèves font dans le relationnel, ils pensent que « une école juste c’est une école qui les respecte, c’est une école qui ne les humilie pas ». Et de rappeler que « les enseignants sous-estimeraient l'impact du regard des autres, des pairs » - autrement dit, les profs ne seraient pas assez respectueux des coteries et groupes de copains. Une école qui instruirait les élèves de manière rigoureuse et égale, quelle que soit leur origine, quelle que soit la situation sociale de leurs parents, quelle que soit leur prétendue appartenance, il n'en est pas question. Et pour les professeurs, bien sûr, la justice est d'abord la neutralité dans la notation, c'est une affaire d'égalité (que voulez-vous, les profs sont bornés, ils placent le droit au-dessus du « relationnel »).
Impeccable, la chronique se termine sur une chute digne d'un petit oral de Sciences-po : vous voyez bien, c'est polysémique, personne ne s'entend sur le sens du mot justice...et tout le monde est renvoyé dos à dos. Quelle superbe performance journalistique alimentée à la source d'une sociologie qui ne nous apprend que ce qu'on savait déjà !
Et puis, ce n'est pas tout à fait fini. Vient une espèce de note de bas de page, ou plutôt de fin d'article, in cauda venenum : mais tout de même, il faut ajouter que c'est en France que le sentiment d'injustice éprouvé par les élèves est le plus répandu...
Rien de plus n'est dit, et dans le silence du point de suspension on est doucement amené à tirer soi-même la conclusion bienpensante : l'école sympa, des profs respectueux qui s'excusent d'avoir à vous apprendre quoi que ce soit, des profs qu'on punit lorsqu'ils esquissent la moindre réprimande, la négociation ad nauseam des règles les plus élémentaires, vous en reprendrez bien une louche ?
D'ailleurs, précise l'inspecteur d'académie du département, qui ne recule pas non plus devant l'indécence : l'élève agresseur n’est pas « spécialement connu pour des problèmes de comportement » Ouf, on est rassuré, côté relationnel tout va bien. Au fait, l'enseignante blessée a été opérée d'urgence et semble aller mieux, on en oublierait presque de prendre de ses nouvelles.
Devant la succession d'agressions dans les écoles, M. le ministre a juste une suggestion : des portiques, des fouilles, des caméras de vidéosurveillance, et on pourra continuer la garderie sociale en faisant peut-être un peu moins de blessés graves.
Alors pour être un peu soulagé, il reste à aller voir ou revoir La Journée de la jupe.
Une enseignante poignardée
et le « sentiment d'injustice à l'école »
En ligne le 16 mai 2009
On apprend la grave agression à l'arme blanche sur la personne d'un professeur vendredi 15 mai par un élève de 13 ans qui « n'aurait pas apprécié d'être puni ». Le pronostic vital a même été engagé pendant quelque temps.
C'est juste le moment (samedi 16 mai) que choisit le chroniqueur spécialiste de l'éducation sur France-Info pour promouvoir un livre qui fait notamment état d'un « sentiment d'injustice » chez les élèves. Il se fend d'un petit avertissement - évidemment ce livre n'a rien à voir avec ce qui s'est passé hier - et puis zou, on diffuse quand même la chronique qu'il avait préparée, laquelle devient carrément indécente.
Ben voyons, les élèves font dans le relationnel, ils pensent que « une école juste c’est une école qui les respecte, c’est une école qui ne les humilie pas ». Et de rappeler que « les enseignants sous-estimeraient l'impact du regard des autres, des pairs » - autrement dit, les profs ne seraient pas assez respectueux des coteries et groupes de copains. Une école qui instruirait les élèves de manière rigoureuse et égale, quelle que soit leur origine, quelle que soit la situation sociale de leurs parents, quelle que soit leur prétendue appartenance, il n'en est pas question. Et pour les professeurs, bien sûr, la justice est d'abord la neutralité dans la notation, c'est une affaire d'égalité (que voulez-vous, les profs sont bornés, ils placent le droit au-dessus du « relationnel »).
Impeccable, la chronique se termine sur une chute digne d'un petit oral de Sciences-po : vous voyez bien, c'est polysémique, personne ne s'entend sur le sens du mot justice...et tout le monde est renvoyé dos à dos. Quelle superbe performance journalistique alimentée à la source d'une sociologie qui ne nous apprend que ce qu'on savait déjà !
Et puis, ce n'est pas tout à fait fini. Vient une espèce de note de bas de page, ou plutôt de fin d'article, in cauda venenum : mais tout de même, il faut ajouter que c'est en France que le sentiment d'injustice éprouvé par les élèves est le plus répandu...
Rien de plus n'est dit, et dans le silence du point de suspension on est doucement amené à tirer soi-même la conclusion bienpensante : l'école sympa, des profs respectueux qui s'excusent d'avoir à vous apprendre quoi que ce soit, des profs qu'on punit lorsqu'ils esquissent la moindre réprimande, la négociation ad nauseam des règles les plus élémentaires, vous en reprendrez bien une louche ?
D'ailleurs, précise l'inspecteur d'académie du département, qui ne recule pas non plus devant l'indécence : l'élève agresseur n’est pas « spécialement connu pour des problèmes de comportement » Ouf, on est rassuré, côté relationnel tout va bien. Au fait, l'enseignante blessée a été opérée d'urgence et semble aller mieux, on en oublierait presque de prendre de ses nouvelles.
Devant la succession d'agressions dans les écoles, M. le ministre a juste une suggestion : des portiques, des fouilles, des caméras de vidéosurveillance, et on pourra continuer la garderie sociale en faisant peut-être un peu moins de blessés graves.
Alors pour être un peu soulagé, il reste à aller voir ou revoir La Journée de la jupe.