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Ségolène Royal et la présomption d'innocence
A l'issue d'une réunion tenue par le PS ce matin, Ségolène Royal a rappelé fort justement, à propos de l'affaire Dominique Strauss-Kahn, que tout prévenu a droit à la présomption d'innocence, au respect de sa dignité et que la défense doit être entendue (voir la vidéo sur i Télé).
Il n'est pas inutile de préciser pourquoi Mme Royal est particulièrement bien placée pour aborder la question de la présomption d'innocence à l'égard des personnes soupçonnées de délinquance sexuelle.
En 1997, alors qu'elle était Ministre délégué à l'enseignement scolaire, elle n'a pas parlé de présomption d'innocence au sujet de Bernard Hanse, ce professeur de Montmirail accusé à tort d'attouchements pédophiles, entièrement blanchi par la justice en 2002 et réhabilité par Xavier Darcos en 2003. Bien au contraire, cette affaire ayant eu lieu au moment de son arrivée au Ministère, elle lance sa campagne d'éradication de la pédophilie dans l'Education nationale et c'est durant ses fonctions que les poursuites à l'encontre de B. Hanse sont maintenues malgré les témoignages qui innocentaient ce professeur. Bernard Hanse s'est suicidé le 10 juin 1997 laissant une lettre établissant le lien avec les accusations infondées et infamantes dont il était l'objet. Plus fort : après le suicide de B. Hanse et alors que l'accusateur, qui s'était entre temps rétracté, était mis en examen pour dénonciation calomnieuse, Ségolène Royal s'est permis d'intervenir en déclarant que cette rétractation aurait pu être l'effet d'une pression. Voir l'article que L'Union a consacré en octobre dernier au rappel de cette affaire et le blog consacré à B. Hanse.
A ma connaissance, Mme Royal n'est pas revenue sur ses déclarations, elle n'a pas présenté d'excuses. Est-il alors excessif de conclure que à ses yeux la présomption d'innocence vaut pour tout prévenu... à l'exception des professeurs soupçonnés de maltraitance y compris lorsque le soupçon repose sur des déclarations démenties ? L'urgence répressive (je reprends ici une expression de l'article de L'Union) envers les professeurs passe probablement avant les droits de leur défense.
Mais comment lui donner tort ? Professeur est un métier trop protégé et cool : on a beaucoup trop de vacances et pas assez de stress, c'est bien connu. On jouit d'une autorité arbitraire et sans partage sur des enfants sans défense, c'est bien connu aussi : il ne viendrait à l'idée de personne de remettre en cause la décision d'un prof (surtout pour un redoublement), encore moins de l'intimider ou de l'agresser. C'est pourquoi les candidats se bousculent pour occuper des postes si enviables.