1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 10:16

Bloc-notes actualité
Les langues anciennes et les « hommes de progrès »

En ligne le 1er septembre 2010


Pour la rentrée des classes, Mezetulle recommande à ses lecteurs un superbe texte rédigé par plusieurs professeurs de langues anciennes, intitulé « Langues anciennes, cibles émouvantes », paru dans Le Monde daté du 21 août.


Quelques extraits :

Un peu d'histoire : depuis trente ans, des "hommes de progrès" (1), plutôt bien représentés au sein du ministère, et de son inspection générale des lettres en particulier, luttent contre ces fléaux de l'élitisme, du conservatisme et de l'inutilité que constitueraient le grec et le latin. Aucune fracture droite-gauche à chercher : les pragmatiques comme les révolutionnaires y trouvent leur compte.Ils avaient d'abord voulu agir sur la demande (les élèves et leurs familles), en proposant des horaires stimulants (latin pendant le déjeuner, grec le mercredi après-midi), des innovations audacieuses (seconde, première et terminale regroupées en une seule classe), la technique dite du "supermarket" ("Alors on vous propose la classe sportive, ou la classe numérique, ou la classe européenne, ou la classe musique, ou la classe d'excellence artistique, ou la classe sciences de l'ingénieur, ou alors du latin…").Mais tous ces efforts se révélèrent peine perdue. Il restait, à la rentrée 2009, un demi-million de petits néoréactionnaires qui s'entêtaient à vouloir étudier le grec et le latin dans les collèges et lycées de France. Plus grave : dans un contexte où les supposées élites se détournent massivement de l'étude des langues anciennes au profit d'options jugées plus modernes (classe européenne, cinéma, chinois…), le grec et le latin sont en train de devenir l'un des rares endroits où les élèves les plus fragiles peuvent bénéficier de ce grand luxe dans l'école d'aujourd'hui : du temps. [...]

Le grec et le latin, instruments de l'égalité des chances, vecteurs de réussite scolaire pour les plus démunis ! Il fallait agir ! Supprimer les élèves prendrait du temps, le plus simple est qu'ils n'aient plus de professeurs. Cette décision devenait d'autant plus urgente que commence à se dessiner aujourd'hui le bilan des "hommes de progrès" qui ont, depuis quelques décennies, la haute main sur l'enseignement des lettres.


Lire l'intégralité de l'article sur le site du Monde .

1 - Mezetulle ne résiste pas au plaisir de raconter qu'elle a entendu Claude Allègre ancien ministre de l'EN déclarer il ya quelques années de cela qu'il ne voyait pas l'intérêt de citer Virgile. Bien sûr ! Mais Alain disait aussi "Et on demande : à quoi cela sert-il ? On devrait plutôt se demander : de quoi cela peut-il me libérer ?". Pour être honnête, il faut ajouter que C. Allègre, dans cette intervention, voulait prendre la défense de la culture scientifique... comme si cette dernière était contraire à la culture littéraire ou était menacée par elle. Et puis, à quoi ça sert de se demander si le nombre de nombres entiers est fini ? à rien, mais c'est très libérateur... comme la lecture de Virgile !


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commentaires

D
<br /> Oh, mais nous sommes d'accord. Vous savez, j'éprouve assez souvent une certain agacement devant certaines questions portant sur l'intérêt social de telle ou telle découverte, comme si toute avancée<br /> scientifique devait déboucher sur une application technologique sous 3 ans. Même si l'on espère des applications, elles pourront exister dans 30, 60, 100 ans.<br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Oui ! investir dans la liberté et dans la "libéralité" des savoirs est encore le meilleur calcul.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Je vais me faire l'avocat du diable (si j'ose qualifier ainsi M. Allègre).<br /> <br /> <br /> Savoir que l'ensemble des entiers (ou celui des nombres premiers, ce qui est un peu moins évident) est infini dénote la compréhension de mécanismes mathématiques de base. Ces mécanismes sont<br /> indispensables pour comprendre des raisonnements mathématiques plus avancés. L'application correcte des mathématiques est indispensable pour mener des recherches scientifiques dans de nombreux<br /> domaines, ainsi que pour diverses activités d'ingéniérie. L'ingéniérie permet les applications technologiques modernes, par exemple les ordinateurs qui nous permettent de converser ici entre gens<br /> de bonne compagnie depuis le confort de nos bureaux respectifs.<br /> <br /> <br /> On peut en revanche tout à fait avoir une société technologiquement avancée où presque personne ne sait qui est Virgile — par exemple la Corée ou le Japon. J'ai divers collègues d'origine<br /> indienne qui ont des "trous" importants en histoire et culture européenne, cela ne les gêne absolument pas dans leur travail.<br /> <br /> <br /> On peut donc assez valablement argumenter que si "servir" est défini comme "servir au fonctionnement de la société technologique moderne", alors il est plus utile de connaître des faits<br /> mathématiques de base que de savoir citer Virgile.<br /> <br /> <br /> Je note que cette obsession des applications pratiques, notamment industrielles (et autres inventions censées favoriser la "compétitivité") se retrouve dans les critères de choix des mécanismes<br /> de financement de la recherche, notamment ceux qui, si je ne m'abuse, datent du ministre Allègre. Je ne condamne pas en bloc : la société nous paye, elle peut raisonnablement attendre de nous<br /> qu'on l'aide en pratique. J'ai donc sur ce sujet, comme sur d'autres, des opinions assez modérées.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Je préciserai que la thèse que je discute n'a pas été avancée par C. Allègre au sujet de la recherche (auquel vous semblez vous tenir) mais au sujet de l'ensemble de l'école. Ici je vous<br /> renverrai donc tout simplement à l'argumentation de Condorcet (qui du reste est valide à ses yeux aussi bien pour l'enseignement que pour la recherche). Condorcet n'est d'ailleurs pas suspect<br /> dans cette affaire puisqu'il était assez réticent au sujet de l'enseignement du latin - lequel était au XVIIIe siècle presque aussi exclusif et dominateur que l'est aujourd'hui celui d'une<br /> certaine conception bornée des sciences  :<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> 1° dans le domaine de l'utilité sociale, technologique etc., qui ne sont bien sûr pas à négliger, les choix scolaires les plus judicieux sont les plus généraux et la question à se poser est de<br /> construire la notion d'éléments. Un savoir élémentaire est celui qui permet l'accès ultérieur à un maximum de possibilités. Et ce modèle séquentiel me semble celui qui est le moins dommageable :<br /> on peut et on doit le poursuivre dans l'ensemble du système d'études. C'est celui qui est retenu par le concept d'encyclopédie.<br /> <br /> <br /> Et ici, la connaissance de Virgile, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est pas si mal placée : quand on a lu Virgile, on savoure bien mieux Frédéric Mistral. Ah oui c'est vrai mais à<br /> quoi ça sert de lire Mistral ou d'autres poètes ? : principalement à savoir que les poètes ont inventé le vrai, et donc cela sert aussi à rencontrer le vrai. Sans les poètes et la littérature, on<br /> n'aurait qu'une piètre idée de ce que peut être une vérité - il y a même des gens qui ne seraient jamais tombés amoureux ! Quand on a lu Ovide, on est beaucoup plus "pointu" pour regarder bien<br /> des films d'aujourdui.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ici vous faites comme si j'avais écarté d'un revers de main la connaissance de ce que vous appelez "les faits" mathématiques  : j'ai dit exactement le contraire dans mon article, j'ai<br /> précisément comparé la connaissance de l''infinité des nombres (qui me semble excéder de loin celle d'un "fait") à celle de Virgile ! Ne me faites pas dire le contraire de ce que j'écris.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> 2° La fin ultime n'est pas simplement de "servir" à la compétitivité ni à l'utilité telle qu'on peut la concevoir à un moment M, mais... la liberté. Je répète donc ce que j'ai écrit en note de<br /> l'article : on se demandera, non pas seulement "à quoi cela peut-il servir ?" mais aussi et en même temps "de quoi cela peut-il me libérer ?" La liberté, y compris et surtout celle d'être un<br /> anti-social, est d'une grande utilité sociale (correction : non elle est plutôt d'une grande utilité politique, ce qui fait qu'elle est très importante pour le développement<br /> technologique).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je ne doute pas une seconde que les collègues dont vous parlez soient compétents et performants dans leur champ de spécialité. Et du reste, personne ne peut tout savoir. La question n'est pas de<br /> connaître Virgile plutôt que Rabindranath Tagore, Tacite plutôt que Hérodote ou Michelet, Corneille plutôt que Shakespeare, Victor Hugo plutôt que Tolstoï, Fénelon plutôt que Mohammed Iqbal...<br /> car la connaissance d'un grand texte rend celui qui se l'est approprié désireux d'en connaître d'autres et plus à même de le faire, de même que celui qui a bien appris une langue étrangère<br /> souhaite en apprendre d'autres et est plus apte à le faire. La question est de savoir ce qu'il advient de l'humanité lorsqu'elle fait le choix d'écarter délibérément tout rapport aux<br /> humanités, lorsqu'elle fait le choix de réduire le champ de la vérité à celui de la positivité. Je précise qu'à mes yeux les humanités modernes existent, de même qu'existe aussi un<br /> rapport à la science qui est de l'ordre des humanités et qui suppose qu'on ne réduise pas la science à sa seule positivité, mais qu'on l'aborde comme une culture : voir l'article Qui a peur des humanités ? où la question est explicitement abordée.<br /> <br /> <br /> C'est une question posée très clairement de nos jours par de nombreux scientifiques, notamment par Laurent Lafforgue et Bruno Lussato. Elle a été superbement traitée par Bachelard dans un texte<br /> intitulé "Valeur morale de la culture scientifique".<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Je crains que votre exemple de l'infinité de l'ensemble des entiers ne soit inadapté : Claude Allègre n'a jamais dissimulé une certaine hostilité à l'égard des mathématiques, dont il considère<br /> qu'ils occupent une part excessive dans les cursus scientifiques alors que leur rôle serait amené à inexorablement diminuer en raison de la disponibilité des logiciels de calcul sur ordinateur. Je<br /> pense que la position de M. Allègre se base sur une confusion (volontaire ou non) au sujet de la nature des mathématiques, assimilées aux calculs sans réflexion que l'on impose actuellement aux<br /> élèves de lycée, toute exigence de raisonnement abstrait étant considérée comme trop sélective.<br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Merci de cette précision... au fond j'étais encore trop optimiste !<br /> <br /> <br /> <br />

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