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Condorcet : la condamnation au progrès et la liberté
Dans le cadre d'un dossier intitulé L'irréligion du progrès, préparé et présenté par Frédéric Ménager-Aranyi (1) , le site Nonfiction.fr publie un article de Catherine Kintzler, « Condorcet : la condamnation au progrès et la liberté ».
En voici deux extraits :
Dramatisée par les circonstances tragiques dans lesquelles elle fut écrite, l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain est l'un des ouvrages les plus célèbres de Condorcet. Pourtant les thèses en sont souvent méconnues ou dédaignées. Il n'est pas rare aujourd'hui de rencontrer des appréciations péjoratives sur la notion même de progrès, tenue pour une naïveté à laquelle croyaient les hommes des Lumières. Dans ce dédain général Rousseau fait figure d'exception révérée : le développement ultérieur de l'histoire, où la conjugaison des techniques de pointe et de la misère est universellement répandue, aurait donné raison à Rousseau et tort à Condorcet.Effectivement, Condorcet aurait tort si sa théorie du progrès était à la fois descriptive et historique au sens actuel du terme. Or elle n'est ni l'un ni l'autre.[....]
Condorcet raisonne ici en mathématicien et en physiocrate. Considérons la masse des vérités existantes. Tout se passe comme si cette masse était affectée d'un coefficient d'accroissement : elle augmente. Avec elle augmentent la puissance générale de la science et le pouvoir de l'humanité, prise en général, sur le monde. Mais ici l'humanité en général ne désigne qu'un peuple théorique dont la masse des vérités est la manifestation cérébrale. Considérons à présent un peuple réel et posons la question de savoir comment il pourra se comporter à l'égard de cette masse. Il peut la maîtriser et l'utiliser, il peut aussi la subir, le choix entre ces deux possibilités étant lié au degré d'extension et au degré d'intensité des connaissances dont il jouit.De sorte que si l'on veut que la masse des vérités, dont l'augmentation est en elle-même un phénomène de progrès général, devienne la source d'un progrès et d'un mieux-être réels, il faut prévenir le progrès aveugle et mécanique issu de la nature des choses par un progrès volontaire issu de la sagesse des dispositions humaines. S'il n'est pas constamment devancé, prévenu et forcé vers l'avant, le progrès se retourne contre ceux qui l'ont suscité, écrase ceux qui ne l'ont pas maîtrisé, et engendre la pire des décadences.
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1 - Voir la présentation et le sommaire du dossier.