par Tristan Béal
La réforme des rythmes scolaires défendue par M. Peillon est devenue une « affaire » pour de mauvaises raisons. La droite qui la souhaitait quand elle était au pouvoir n'a pas de mots suffisamment durs pour la déconsidérer. La précipitation mise par le ministère à « plier » cette réforme la dessert même aux yeux de ceux qui la trouvent fondée. Les parents ne savent plus si l'école où ils conduisent leurs enfants le matin est bel et bien une école ou un centre de loisirs invisibles et chaotiques. Et au milieu de cette agitation médiatique et de ces arguties politiciennes offensant toute réflexion mesurée, les instituteurs et les élèves sont empêchés d'apprendre.
Or ce qui est certain, c'est que la réforme de M. Peillon s'inscrit dans un moins scolaire qui ne peut se révéler que défavorable autant à la République qu'aux enfants du peuple dont elle est censée améliorer le sort.
« C’est une réforme
républicaine et de gauche. »
V. Peillon
Le mercredi 2 octobre 2013, le ministre de l'Éducation nationale fut l'invité du journal télévisé du soir sur TF1 ; cette interview m'a ému, M. Peillon semblant ne pas être à l'aise, voire agressif, dans ses explications qui cherchaient l'apaisement et la vérité sur cette épineuse réforme des rythmes scolaires. N'ayant pas le malheur d'être instituteur dans l'une des quatre mille communes respectant les nouveaux rythmes d'enseignement, dès la fin de l'interview ministérielle j'ai commencé de réfléchir à un texte susceptible de clarifier ce nouvel imbroglio scolaire.
Un ministre de l’Éducation nationale sincèrement satisfait
Au lendemain de sa prestation télévisuelle, on pouvait lire dans les pages du Parisien (1) que, à l'issue d'une réunion à l'Élysée, M. Peillon s'était flatté le mercredi matin du « très grand succès » de sa réforme des rythmes scolaires. Les commentateurs, ironiques ou déplaisants, voient dans cette assertion une autosatisfaction mâtinée de mauvaise foi, sourde à toutes les plaintes qui, nombreuses apparemment, s'élèvent un peu partout en France.
Je ne partage pas ces moqueuses constatations, et je soutiens, de concert avec mon ministre, que, oui, sa réforme est bel et bien un succès.
« Les instituteurs, ces paresseux », disait-on
Et je suis sincèrement convaincu de la réussite de cette réforme depuis longtemps, depuis les mois héroïques de la contestation professorale, ces mois de colère de janvier, février et mars 2013 où, arpentant le pavé parisien et faisant diverses stations manifestantes devant mon inspection départementale, je bêlais fièrement avec des collègues en émoi un formidable « Résistance ! » ou un non moins mâle « Non, non, non à la réforme Peillon ! »
Oui, cette réforme est un véritable succès.
Parce que, lors de ces journées de courroux pendant lesquelles nous avons hurlé à l'injustice et au mépris dans maintes rues de France, nous sommes passés aux yeux de nos concitoyens pour de fieffés paresseux renâclant à travailler un jour de plus (2) et ne pensant qu'à notre indu loisir (non au bien-être des élèves à nous confiés), nous arc-boutant, comme les instituteurs parisiens, sur des privilèges illégitimes, et en proie comme souvent hélas ! à notre sempiternelle inconséquence. Car nous qui geignons continuellement devant l'impossibilité matérielle de mener à bien des programmes pléthoriques, nous qui ne sommes jamais descendus dans la rue en 2008 lorsque l'un des prédécesseurs de M. Peillon avait « libéré » le samedi matin (3), voilà qu'en ce début de 2013 nous hurlions sur les boulevards et que, sous couvert de défendre l'intérêt des élèves en parlant d'injustice et d'inégalité de traitement, nous ne pensions toujours qu'à moins travailler.
Une réforme pleine de bons sentiments
Quelle est-elle, en effet, cette réforme de M. Peillon ? Elle consiste à partir du constat que les élèves français sont fatigués de leur journée d'école et qu'ils ont de mauvais résultats aux évaluations (inter)nationales ; et que ces piètres résultats découlent de cette fatigue. La réforme, sous des dehors de justice sociale et pas seulement par intérêt médical ou pragmatique, veut également permettre à chaque enfant de France, et parmi eux les plus pauvres, d'avoir accès à des activités culturelles et sportives de qualité, lesquelles ne sont jusqu'à présent que le privilège d'enfants aisés bien lotis dans leur famille nantie.
Comment ne pas souscrire à de telles louables intentions ?
Une réforme essuyant de nombreuses critiques
Certes, aussitôt le décret du 26 janvier 2013 paru, des esprits tatillons ont tôt fait de noter diverses inconséquences et autres points d'inquiétude :
- le fonds d'amorçage (4) accordé aux communes volontaires dès la rentrée 2013 pour appliquer la réforme des rythmes scolaires s'apparente davantage à un appât et à une récompense anticipée pour bons et loyaux services, comme s'il s'agissait d'acheter les consciences et faire la publicité d'une réforme en grossissant le nombre de ses partisans censément enjoués ;
- réduire la journée de classe d’une demi-heure ou de trois-quarts d'heure, la belle affaire : surtout quand l’école doit de toute façon se terminer toujours à 16 h 30 (5) et que l'on fait se lever les élèves cinq jours d'affilée en sacrifiant la coupure du mercredi, coupure lors de laquelle de nombreux enfants pouvaient vaquer tranquillement en famille (6) ;
- mieux vaut la quiétude et le sérieux de six heures de classe que l'agitation et le bruit d'un centre de loisirs tous azimuts, si l’on a souci de la fatigabilité des enfants (7) ;
- cette confusion géographique entre le scolaire et le périscolaire (dans la cour de l'école, et même la salle de classe, vont se succéder le temps de l'étude et celui du délassement municipal) est l'avant-goût peu appétissant d'une confusion morale : les enfants seront perdus à jongler ainsi entre leur temps d'élèves et celui d'enfants amusés, et les instituteurs, du fait du PEDT (8), dépendront bientôt davantage des mairies que de l'État (vieille crainte de la territorialisation de l'école primaire et de la soumission de l'instituteur aux pressions locales, économiques, idéologiques, voire religieuses) ;
- la référence au volontarisme républicain de la réforme défendue par M. Peillon jure par rapport à l'injustice territoriale qu'elle implique : à moins d'être grandement naïf, il est certain que l'offre culturelle et sportive des municipalités variera en qualité d'une commune riche à une commune plus impécunieuse ;
- une fois encore, sous prétexte d'égalité, on s'autorise de la réelle pauvreté de certains pour rogner sur le temps scolaire émancipateur et le remplacer par du périscolaire récréatif (9), en digne héritier de ce tyran qui voulait qu'aucun épi de ses champs ne dépassât (10).
Bref, nombreux parmi nous n'ont vu dans cette réforme que l'amer relent d'un socialisme de façade, un socialisme couard incapable d'aider vraiment l'infortuné et sacrifiant même l'excellence républicaine sur l'autel de l'égalitarisme trompeur et flatteur. [ Haut de la page ]
Une réforme à l'épreuve du réel
Certes, matériellement, la réforme de M. Peillon peine à se mettre en place, de fausses notes se font entendre ici et là ; mais cela est bien normal : une réforme d'une telle ampleur requiert du temps, et c'est se montrer bien mesquin que d'être là à épier le moindre faux-pas.
Certes, au lieu d'activités enrichissantes sportivement ou culturellement, on voit des enfants errer dans les cours de récréation, quand ce n'est pas tout simplement dans la rue : l'école étant ouverte aux quatre vents (à présent qu'elle n'est plus simplement une école – ce lieu quiet de transmission du savoir – mais un centre de loisirs permanent), on y entre et sort comme dans un moulin.
Certes, complètement déboussolés, les élèves ne savent plus à quel saint périscolaire se vouer et sont épuisés d'énervement et tout autant, si ce n'est plus, fatigués qu'avant.
Certes, au lieu de commencer d'enseigner dès la demie de huit heures, les instituteurs perdent un temps considérable à faire l'appel et à cocher toutes les cases en fonction des activités divertissantes prévues (au moins, pendant ce temps-là, les élèves ne se fatiguent pas intellectuellement).
Certes, pour ces activités culturelles ou sportives qui n'ont d'enrichissant que leur coût, les municipalités s'endettent peut-être et les familles devront sous peu mettre la main à leur porte-monnaie (directement ou indirectement).
Il n'empêche toutefois que cette réforme, comme M. Peillon l'affirma avec sérieux, est un « très grand succès ».
Une réforme s’inscrivant dans une politique du minimum scolaire
D'autant plus que peu d'entre nous se sont émus du principal : que ce ministre socialiste continuait l'amoindrissement scolaire de ses prédécesseurs libéraux ; que, sous prétexte de récréer les enfants et de permettre à tous d'avoir accès à des activités périscolaires de qualité, cette réforme, malgré qu'elle en ait (11), a des manières obscurantistes, indignes d'une République laïque.
Comment, en effet, juger autrement une réforme des rythmes scolaires qui biologise le rapport au savoir et l'acte d'apprendre (12) et qui claironne que les élèves seront meilleurs (pas plus éclairés, il est vrai : le souci, en l'espèce, n'est que pragmatique – remonter dans les classements des enquêtes PISA et PIRLS) en usant moins quotidiennement leurs fonds de culotte sur les bancs de l'école ?
Cette réforme de M. Peillon est un indéniable succès : car peu importent nos résultats aux évaluations internationales ; ce qui importe, c'est que, avec toujours deux heures en moins d'enseignement par semaine (13), nos élèves qui ont besoin de l'école de la République, qui n'ont qu'elle pour être éveillés et se libérer de tous les déterminismes insidieux qui les malmènent, ne seront jamais ces citoyens vigilants qui font qu'un État est vraiment la chose de tous et non de quelques-uns.
La réforme des rythmes scolaires est un immense succès, car, pas plus que nous, la plupart des parents ne s'émeut de cet appauvrissement scolaire : ce qui leur importe, c'est que leurs enfants soient gardés, peu leur chaut que cette garderie s'accompagne d'émancipation ou de délassement. Si certains parents, mais heureusement pas les thuriféraires de la FCPE du moindre scolaire (14), se plaignent, c'est que les loisirs prévus ne sont pas au rendez-vous, non que le loisir de penser (15) se trouve dénié à leur progéniture ; si certains d'entre eux maugréent, c'est que les animateurs ne leur semblent pas sérieux, qu'il peut même leur arriver de laisser sortir un enfant qu'ils devraient pourtant garder (pardon : enrichir culturellement et sportivement), ce n'est pas que l'enseignant de leurs enfants ne fasse plus son dangereux métier d’éclaireur. [ Haut de la page ]
Folles espérances ?
Dieu sait que, comme tout instituteur qui se respecte, je suis un fainéant et que j'attends avec impatience ces vacances qui ponctuent notre vie cagnarde toutes les sept ou huit semaines ; mais il est certain que j'aurais applaudi (et je n'aurais pas été le seul : tout instituteur en tant que tel (16) aurait mêlé ses enthousiastes applaudissements aux miens) si cette réforme s'était accompagnée d'une augmentation de notre temps de présence devant les élèves. Car je reste persuadé que, si telle avait été la réforme des rythmes scolaires, notre ministre aurait été porté aux nues, instituteurs et parents réunis. En effet, en restant à vingt-quatre heures d'enseignement par semaine et en diminuant d'une heure les anciennes deux heures de soutien scolaire (converties en APC, ou activités pédagogiques complémentaires), M. Peillon a encore maintenu pour nous des heures hors la présence des élèves, lesquelles heures s'élèvent actuellement à plus de cent heures, cent heures passées à s'épuiser en vaines réunions le plus souvent (17).
Que M. Peillon redistribue ces quelque cent heures en heures d'enseignement devant élèves (18). Qu'il revienne au principe de vingt-six heures d'enseignement par semaine, vingt-sept heures même (19), et pourquoi pas trente heures (20). Qu'il nous fasse revenir à l'école le samedi matin (21). Et notre courageux ministre fera alors d'une pierre trois coups, si je puis m'exprimer ainsi : notre temps de service restant identique, il n'aura pas à nous augmenter (si nous entrions dans la carrière enseignante pour y gagner de l'argent, cela se saurait) ; il nous réjouira moralement, notre vrai métier étant d'enseigner non de nous réunir ; il améliorera le niveau des élèves, pour peu aussi qu'il détrône de son autel pédagogiste cette funeste méthode par devinettes et tâtonnements, méthode inductive peu structurante et fort dispendieuse de temps puisque, par répulsion pour l'esprit cartésien, elle part du donné brut dans sa complexité, au lieu de l'analyser à partir d'informations préalablement fournies.
Quelle école à venir ?
On utilise communément l'adjectif postmoderne pour qualifier une époque qui a su courageusement faire sauter tous les corsets de la morale et qui se situe, sans vergogne aucune, par delà le bien et le mal. Sur le même moule, une école postscolaire est une école qui sereinement a tourné le dos à l'émancipation intellectuelle et morale des élèves, une école qui, en deçà du vrai et du faux, reste à de lointaines encablures du scolaire, toute liée au périscolaire qu'elle est, à l'amusement antirépublicain et asservissant qu'elle doit mener à terme pour la joie inconsciente de nos gouvernants obliquement mais sûrement tyranniques. Seule une école ultrascolaire pourrait nous sortir de ce mauvais pas. Je crains que la réforme des rythmes scolaires défendue par M. Peillon n'empêche résolument un tel sursaut. Mais je souhaite me tromper...
© Tristan Béal et Mezetulle, 2013
Voir les autres articles de l'auteur en ligne sur Mezetulle.
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Notes [cliquer sur le numéro de la note pour revenir à l'appel de note]
1 Édition du jeudi 3 octobre, p. 4.
2 La réforme des rythmes scolaires « étale » vingt-quatre heures d'enseignement sur quatre jours et demi et non plus quatre jours seulement : de fait, nous venons un jour de plus à l'école sans enseigner plus ; or quel salarié accepterait de gaîté de cœur de travailler un jour de plus, de se rendre un jour de plus à son travail, d'avoir du temps de transport supplémentaire, pour non pas travailler plus de temps mais autant ?
3 Certes, il y a bien eu une journée de grève en 2008, le 20 novembre très précisément, mais les mots d'ordre (notamment ceux du syndicat majoritaire en primaire, le SNUipp) n'étaient pas pour un retour aux vingt-six heures mais regrettaient l'un des corollaires de cette suppression du samedi matin travaillé : la disparition des RASED, ces classes ponctuelles hors la classe où les élèves en difficulté étaient pris en charge par des enseignants spécialisés. Mieux : le SNUipp appelait déjà à une augmentation du temps de concertation des instituteurs.
4 Voici ce que l'on peut lire sur le site du ministère : « Le financement de la réforme : la création d’un fonds spécifique pour accompagner l’organisation d’activités périscolaires par les communes. Le gouvernement a décidé la mise en place d’un fonds exceptionnel visant à aider les communes à redéployer les activités périscolaires existantes – notamment celles du mercredi matin – et à en proposer de nouvelles. Toutes les communes ayant décidé de mettre en œuvre les nouveaux rythmes scolaires à la rentrée 2013 se verront allouer une dotation forfaitaire de 50 euros par élève. Les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) cible ou à la dotation de solidarité rurale (DSR) cible se verront allouer 40 euros supplémentaires par élève, soit 90 euros par élève au total pour l’année scolaire 2013-2014. Elles bénéficieront à nouveau du fonds l’année suivante, à hauteur de 45 euros par élève. Parmi les communes ayant choisi de reporter l’application de la réforme à la rentrée 2014, seules celles éligibles à la DSU cible ou à la DSR cible toucheront ces 45 euros par élève. »
5 M. Peillon est revenu sur ce souhait initial d’un horaire final inchangé.
6 Dans certaines communes ayant opté pour les nouveaux rythmes scolaires dès septembre 2013, on arrive même à une réalité contraire au principe de la réforme : ainsi, à Paris par exemple, avec classe de 8 h 30 à 11 h 30 et deux après-midi comme auparavant jusqu'à 16 h 30 et deux autres jusqu'à 15 heures, les enfants passent plus de temps à l'école qu'avant cette réforme présentée pourtant comme respectueuse de leur rythme naturel. Et quand on déplore que les enfants passent plus de temps à l'école, c'est que le ministère confond le temps passé en classe et le temps passé à l'école, ce qui permet ainsi d'amener une confusion entre le scolaire proprement dit et le périscolaire.
7 Il n'y a là aucun mépris pour les animateurs, lesquels aimeraient être les premiers à tirer parti de cette réforme : de par leur métier et l'intérêt qu'ils portent aux enfants, ils ne souhaitent rien d'autre que de proposer des activités de qualité aux enfants qui leur sont confiés, mais la réalité est tout autre, et leur condition d'embauche à la va-vite comme leur cadre de travail font que, au lieu de divertir sereinement les enfants, ils ne peuvent que les garder dans une ambiance rien moins que paisible.
8 « Le projet éducatif territorial (PEDT), mentionné à l’article D. 521-12 du code de l’éducation, formalise une démarche permettant aux collectivités territoriales volontaires de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l’école, organisant ainsi, dans le respect des compétences de chacun, la complémentarité des temps éducatifs. » La suite est à lire ici.
9 Selon M. Peillon, avant la réforme des rythmes scolaires, seulement vingt pour cent des élèves étaient accueillis le mercredi matin ; avec la réforme, tout enfant pourra, en principe, profiter d'activités attractives et plaisantes : c'est donc bien là une lutte contre les inégalités et une réappropriation du temps des enfants – ou bien leur assignation dans une école non principalement scolaire.
10 Hérodote, Histoires, V, 92.
11 À moins de croire à une hypothétique théorie du complot ou à la mauvaiseté de nos gouvernants, on peut aussi faire crédit à M. Peillon et poser qu'il pense vraiment que la réforme qu'il défend contre vents et marées est une réforme effectivement républicaine et de gauche.
12 La réforme des rythmes scolaires a comme caution le travail des chronobiologistes : les élèves français subissent trop d'heures de classe et ne sont pas sollicités au meilleur moment de leur attention. Mais six heures de classe par jour, est-ce vraiment trop ? Ce qui est épuisant pour l'enfant, c'est d'arriver à l'école avant la classe et d'en partir bien après 16 h 30 ; ce qui fatigue, ce sont toutes les heures de garderie et le fait que, les conditions de travail des parents étant ce qu'elles sont, ils doivent confier leurs enfants à l'école de plus en plus tôt et les retrouver de plus en plus tard. Et dans six heures de classe, il y aurait donc des moments où les élèves seraient plus réceptifs que d'autres à la parole du maître, dit-on ? C'est indéniable. Mais ce qui est aussi indéniable, c'est qu'à force de dire que les élèves se fatiguent à se concentrer, on leur en demandera toujours moins, et l'on mettra au principe de l'acte d'apprendre, non plus la volonté et la concentration, mais les rythmes biologiques de chacun. Or si chacun écoutait ses propres rythmes biologiques, c'est-à-dire sa paresse native...
13 Comme sous M. Darcos, les élèves n'auront que vingt-quatre heures de classe hebdomadaires, excepté, il est vrai, les plus fragilisés, à qui est faite l'aumône, non plus de deux heures, mais d'une heure seulement de soutien (ou d'autre chose).
14 «... nous pensons toujours qu'il ne faut pas plus de cinq heures d'enseignement par jour à l'école primaire car, au-delà, les enfants ne peuvent plus correctement assimiler ce qu'ils font en classe. » (Libération du lundi 7 octobre 2013, p. 22, tribune de P. Raoult, président national de la FCPE)
15 J'emprunte cette belle expression au titre du livre de Jacques Muglioni, L'école ou le loisir de penser.
16 En tant que tel, c'est-à-dire en tant qu'il juge de la chose du point de vue de l'instituteur, non du point de vue du père de famille qu'il peut être, ou du fainéant impénitent qu'il se sait être.
17 On me rétorquera que si, dans une école bourgeoise, de telles réunions peuvent sembler inutiles, en ZEP, là où la cohésion de l’équipe face au chambardement scolaire est une question d'importance, ces réunions ont leur effet. À moins de poser que dans l'enfer pédagogique de certaines écoles, ce n'est pas de réunions dont ont besoin les collègues, mais d’un État vraiment républicain faisant en sorte que leur travail puisse être mené sereinement.
18 Petit calcul : si l'on reste à six heures d'enseignement par jour et si l'on redistribue les cent huit heures annualisées, cela donne dix-huit journées de classe devant élèves, c'est-à-dire (si l'on reste à des semaines de quatre jours) quatre semaines et demie de classe, c'est-à-dire (sur les cinq années passées en primaire) vingt-deux semaines et demie de classe supplémentaires (sachant qu'une année scolaire est de trente-six semaines actuellement).
19 Ce qui était le cas avant que M. Bayrou ne nous ait rajouté une heure de concertation.
20 Pour arriver à un tel nombre d'heures, à un tel maximum scolaire, on pourrait, par exemple, rendre obligatoire le temps d'étude et faire en sorte que tout le travail soit accompli à l'école ; et non pas, parce que beaucoup de parents ne peuvent aider leurs enfants, qu'il n'y ait plus de travail du tout.
21 Soyons honnêtes, le mercredi matin travaillé ne fait pas cas des élèves mais de leurs parents friands, depuis les trente-cinq heures, de week-ends lointains – ou de repos, après toute une semaine passée à se lever tôt, faire le cor de chasse dans les transports en commun et s'épuiser dans un travail qui n'en a plus souvent que le nom et non plus le plaisir et la reconnaissance (si tant est qu'ils aient même un travail).
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