Elisabeth Badinter lance un appel pour soutenir la crèche Baby-Loup empêchée de fonctionner par une prétendue « restriction budgétaire ». Elle rappelle fortement et opportunément que l'abandon de la laïcité n'est pas seulement le fait des communautaristes, mais aussi et surtout de « républicains » pour qui la politique est une passion craintive, soucieux qu'ils sont de ne pas faire de vagues, et apeurés devant l'accusation d'islamophobie.
C'est ainsi que, de principe fondamental de la République, la laïcité est transformée en un combat idéologique douteux dont il serait bienséant de se détourner : c'est le monde à l'envers. Faire aujourd'hui un don à Baby-Loup, c'est, en soutenant concrètement une association laïque, signaler qu'on entend remettre les choses à l'endroit.
ll y a six mois, la Cour de cassation donnait raison à Baby-Loup dans le conflit qui l’opposait à une ancienne salariée refusant d’ôter son voile islamique. Au terme de huit ans de marathon judiciaire, cette victoire était saluée comme une victoire de la laïcité, bien que son prix eût été le déménagement de Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine.
Aujourd’hui, la nouvelle municipalité refusant de verser la subvention de 400 000 euros promise par la précédente, l’existence de Baby-Loup est menacée. Qu’on ne nous dise pas qu’il s’agit d’une banale affaire de restriction budgétaire. Cette crèche unique n’est pas seulement une structure de pointe au service de la petite enfance, elle est un merveilleux outil d’intégration, en particulier des femmes des quartiers populaires : grâce à Baby-Loup, des femmes isolées, qui, parfois, ne parlaient pas le français, ont pu faire garder leurs enfants, y compris le soir ou le week-end, pour gagner leur indépendance.
C’est pourquoi Baby-Loup est un double symbole : symbole de la laïcité, symbole de la cause des femmes. Alors, si elle devait fermer ses portes, ce serait une double défaite. Et cette défaite, on ne la devrait pas aux communautaristes de tout poil ni aux islamistes, mais aux républicains de tout bord qui ont abandonné Baby-Loup.
En effet, c’est précisément parce que Baby-Loup s’est érigée en avocat de la laïcité qu’elle suscite tant d’hostilité, à gauche comme à droite.
Mais, depuis l’élection de François Hollande, nous n’avons reçu aucun soutien du gouvernement ; au contraire, on nous a fait comprendre qu’il ne fallait surtout pas faire de vagues.
Ni le ministère des Droits des femmes ni celui de la Famille n’ont levé le petit doigt.
Pour une grande partie de la gauche qui craint plus que tout l’accusation d’islamophobie, la laïcité n’est plus une cause naturelle, mais un combat idéologique douteux.
Qu’on ne croie pas, cependant, que la droite serait plus courageuse sur ce front. L’attitude de la municipalité de Chanteloup-les-Vignes, celle de Conflans aujourd’hui et le silence à peine gêné qui règne dans la majorité comme dans l’opposition prouvent assez que, sur ce terrain, la lâcheté est la chose la mieux partagée du monde.
Et nous, les défenseurs de la cause laïque, sommes considérés comme une espèce de secte : ce renversement inouï devrait inquiéter tous ceux qui savent ce que l’universalisme français doit à la laïcité.
Le plus grave, c’est que cet abandon est aussi un déni de démocratie : si une grande partie de la classe politique et intellectuelle croit défendre les opprimés en renonçant au principe de séparation laïque, pour une immense majorité des Français – les sondages en font foi -, la laïcité demeure bien le quatrième principe de la devise républicaine.
Alors, c’est à eux tous que je veux dire que l’un de nos biens les plus précieux est aujourd’hui menacé. Voilà pourquoi j’en appelle aux dons de tous, particuliers, associations, fondations, entreprises : si nos gouvernants et ceux qui aspirent à l’être abandonnent Baby-Loup, montrons-leur que nous, Français de tous milieux, de toutes origines, de toutes confessions, nous ne renoncerons jamais à la laïcité, car elle est la condition même de notre liberté.
Dons à adresser à Association Baby-Loup/Dons – 1, rue Camille-Pelletan, 78700 Conflans-Sainte-Honorine.