23 juillet 1970 4 23 /07 /juillet /1970 21:43
Le Ministère du mépris et de la férule
(à propos des évaluations en CM2)

par Tristan Béal
En ligne le 19 janvier 2009 - Annexe ajoutée le 29 juin 2009

Toute chose a deux anses, disait Epictète : l'une par laquelle on peut la tenir, l'autre par laquelle on se fait mal à la main. Ainsi en va-t-il de la « politique Darcos » - est-ce d’ailleurs bien une politique ? Encore une fois, la proposition du Ministre de l'Education nationale d'évaluer les élèves de CM2 était une bonne proposition : ce sont des évaluations de qualité, il faut le dire. Mais encore une fois ces évaluations s'inscrivent dans un formidable travail de sape de l'obligation scolaire d'Etat. Comme la suppression du samedi matin, elles ne sont qu'une branche cachant les frondaisons d'une forêt où il vaudrait mieux que nous n'ayons pas à nous égarer...

Nous n'en pouvons plus. Un profond abattement nous gagne.

A quel sujet, ces jérémiades ?
De prime abord, on pourrait dire que cela revient à faire beaucoup de bruit pour rien. Mais très vite les Cassandre ont donné de la voix pour justement nous alarmer. Et ce qui ainsi nous pousse à bout, ce sont de simples évaluations, ces fameuses évaluations de CM2 dont on commence à parler dans les grands médias.
Répétons-le : effectivement, ce n'est pas grand'chose que cette histoire. L'année dernière, on s'en gaussait même. Souvenez-vous de ce journal satirique du mercredi qui, hilare et amer à la fois, annonçait que les élèves de CM2 allaient subir des évaluations reprenant peu ou prou des exercices donnés lors des évaluations de CE2 des années précédentes. Or, aujourd'hui, le rire (même jaune) n'est plus de circonstance.
Et ce n'est pas tant la nature de ces nouvelles évaluations qui attriste ; bien au contraire. Ce qui n'était pas arrivé depuis des lustres dans le primaire a enfin eu lieu : dans une épreuve de français, on convoque de grands auteurs : Hemingway et Maupassant. Les exercices sont structurés et ô combien valables, que ce soit en mathématiques ou en français. Oui, mais alors pourquoi encore cet énième renâclement de la gent enseignante, rétorquera-t-on ?
Pour quelques raisons que je vous livre pêle-mêle.

Tout d'abord, ces évaluations arrivent dans le courant du mois de janvier et portent en partie sur des domaines du programme qui n'ont pas encore été abordés (que ce soit dans la classe d'une grosse feignasse d'instit' ou dans la classe d'un professeur des écoles au rendement digne de feu Stakhanov, du reste). Viendrait-il à l'idée d'un moniteur d'auto-école d'envoyer son apprenti conducteur sur la place de l'Etoile au bout de sa deuxième heure de leçon de conduite ?
On pourrait en conclure ou bien que le Ministère se soucie comme d'une guigne de ces évaluations ou bien que son mépris et son inconséquence sont sans borne. Pendant trois jours, nombre d'élèves de France auront la tête sous l'eau. A raison d'un peu plus d'une heure par jour, nombre d'entre eux auront à répondre à des exercices auxquels ils n'entendront goutte. Et qui plus est à des exercices dont on leur aura dit au préalable que leurs condisciples de tout le territoire seront en train de réfléchir. Comment ne pas être pris, même à cet âge de douce insouciance, d'une angoisse certaine et même d'un sentiment d'infériorité ?
D'autant plus que le mois de janvier est ce mois assez curieux où certains élèves sortent enfin des limbes, ont enfin compris ce qu'était leur condition d'élève, aidés en cela par leur instituteur qui aura su nouer avec eux une relation de confiance et de mutuelle estime. N'est-ce pas mettre à bas toutes les meilleures volontés ?

Ensuite, quand on voit le système de notation de certains exercices, on doute que le mépris ne soit pas parfaitement conscient. En effet, dans quelques cas, que l'élève réponde complètement faux ou qu'il réponde presque tout bon, la sanction notative est la même (1).

De plus, si maintenant on ne se place plus au niveau de l'élève mais de l'enseignant de CM2, le mépris du Ministère est redoublé par une attitude proche de l'intimidation.
En effet, spontanément, nombre d'instituteurs, dans un premier temps, ont affirmé haut et fort qu'ils ne feraient pas passer ces évaluations en janvier mais en juin, quitte à ne pas profiter par ces temps de crise de l'aumône de 400 € promise par notre ministre. Très vite, le mécontentement s'est fait entendre ainsi que des attitudes de vif renâclement : boycott des évaluations pour les uns, recul au mois de juin pour les autres, refus de transmettre les résultats pour certains. Le Ministère ayant eu vent de cette fronde (2) a montré la férule. Conséquence : menace de retrait de salaire (toujours par ces temps de crise) ; par exemple, dans le 92 (je ne sais ce qu'il en est dans les autres communes), une école type choisie par le Ministère où un inspecteur de circonscription se rendra pour s'assurer du bon déroulement des épreuves ; menaces orales à peine voilées et rodomontades de nombreuses hiérarchies...
Les enseignants de CM2 et leurs collègues n'en peuvent donc plus. Où qu'ils se tournent, ils voient le même mur. Leurs élèves, auprès desquels ils ne peuvent critiquer ouvertement ces évaluations, car après comment faire, quelle attitude avoir devant un élève qui refusera de se mettre au travail lors d'un contrôle lambda ? Les parents, auprès de qui ils pourraient passer pour incompétents et incapables d'enseigner et de tirer leurs élèves vers le haut. Leur hiérarchie, aux crocs acérés et menaçants.

Enfin, si maintenant on se place d'un point de vue social, d'une vision du monde, ces évaluations sont tout simplement « dégueulasses » comme dirait la fameuse vendeuse au cheveu court du Herald Tribune sur les Champs Elysées.
Le ministère jure ses grands dieux qu'il ne s'agit pas de mettre les écoles en concurrence les unes contre les autres, mais il veut que les résultats soient rendus publics.
Le ministère jure que ces évaluations ne sont pas là pour fustiger les cancres de janvier mais pour savoir jusqu'où peut aller un élève de CM2, mais pour l'instant tout ce que l'on voit c'est qu'ils sont une machine de guerre destinée à montrer l'inanité des programmes de 2002 et la pertinence de ceux de 2008, tout ce que l'on voit c'est qu'ils annoncent cette fameuse prime au mérite pour le "bon" enseignant (comme prévoit de l'instaurer en ce moment un projet de décret), tout ce que l'on voit c'est qu'elles vont être la parfaite vitrine pour y afficher l'école publique honteuse d'elle-même et incapable d'instruire.

Je finirai par une remarque polémique. Je connais des anciens enseignants qui sont passés de l'autre côté (directeur, conseiller pédagogique, inspecteur) qui, fut un temps, daubaient allègrement sur les notes, cette mise en concurrence, cette violence symbolique faite à l'enfant, qui en pinçaient pour le système finlandais où, paraît-il, on ne note que ce que chaque enfant sait bel et bien, qui n'avaient qu'à la bouche les mots de respect, d'estime de soi et de compassion, qui jamais n'enseignaient réellement de peur que le vrai ne maltraite l'élève, qui à qui mieux mieux ont ri des programmes de 2008, qui se disaient de gauche, et qui en ce moment même participent sans atermoiement aucun à la mise sous tutelle des collègues. Ces sans foi ni loi, tous quémandeurs en puissance des faveurs du Prince, tueront l'instruction publique.

Nous n'en pouvons plus. Un profond abattement nous gagne.

© Tristan Béal, Mezetulle, 2009

Voir les autres articles du même auteur.

Notes
1 - Peut-être qu'au Ministère ils ne sont pas méprisants mais stoïciens, à l'image d'Epictète qui disait de l'apprenti sage : que tu sois la tête sous quelques coudées d'eau ou que tu sois dans les abysses, tu peux toujours couler.
2 - Et pourtant il faut savoir que le Ministère avait entouré ces évaluations du plus grand secret. Ainsi, elles n'ont été officiellement présentées aux collègues de CM2 de certaines circonscriptions que le jeudi 16 janvier (pour être passées le lundi suivant), bien que les syndicats les aient mises en ligne depuis le mercredi précédent.


Annexe du 29 juin 2009

Fin mai 2009, les évaluations nationales de CE1 se sont déroulées dans une ambiance un peu plus sereine que celles de CM2 durant le mois de janvier de la même année.
Il est vrai que notre argument principal contre les évaluations de CM2 ne tenait plus : à quoi bon faire passer en milieu d'année des évaluations censées clôturer l'année scolaire ? Les évaluations de CE1 étaient, reconnaissons-le, bien placées dans l'année pour faire le point sur la scolarité des élèves. Certes...
Néanmoins, tous les autres arguments tenaient, eux : ces évaluations sanctionnaient une année de CE1 selon les nouveaux programmes, mais les élèves ainsi sanctionnés avaient suivi une scolarité de CP selon les anciens programmes : du coup, des exercices bons et intéressants pris absolument se sont révélés de véritables chausse-trappes pour les élèves les plus en difficulté de certaines communes déjà bien à la peine ; le système de notation, trop rigide, mettait encore sur le même plan un total échec et une semi-réussite (tout enseignant imposant une telle grille de notation durant l'année scolaire se ferait justement « sabrer » lors d'une inspection) ; la prime de 400 € continuait d'instaurer une rémunération à deux vitesses ; la remontée des résultats non anonymes et leur possible corrélation avec Base-Elèves inquiétaient toujours parmi nous les plus farouches défenseurs des libertés individuelles.
Enfin, certains inspecteurs se sont servis de ces évaluations comme d'un objet de chantage. Ainsi, dans certaine commune difficile de la banlieue parisienne connue pour quelques-uns de ses instituteurs récalcitrants (mais en voie de disparition), l'inspection de circonscription a eu dernièrement cette idée assez saugrenue pour ne pas dire profondément injuste : les écoles n'ayant pas fait passer les évaluations de CE1 ou n'ayant pas fait remonter les résultats se verront privées de l'aide des RASED, les membres de ces derniers étant redéployés dans les écoles bien respectueuses des directives ministérielles. Une porte de sortie a tout de même été montrée (d'autres diraient : un infâme chantage a été instauré) : si les résultats de chaque école sont remontés d'ici septembre, alors cette sanction sera revue.
Conséquence : tout maître de CE1 rétif cette année aux injonctions de son Ministère aura mis en danger pédagogique pour l'année prochaine et son école et ses élèves. Comment ceux-ci réagiront-ils ? Et leurs parents ? En outre, que dire de l'ambiance au sein de la salle des maîtres ?
De toute façon, un tel redéploiement des membres du RASED subordonné à la passation ou non des évaluations de CE1 est retorse : c'est faire porter aux maîtres « désobéisseurs » la responsabilité d'une injuste politique d'austérité décidée et imposée sans eux et contre eux !
Enfin, une telle décision, si elle se réalise vraiment, fera-t-elle jurisprudence sur tout le territoire ? Comment qualifier, sinon de tyrannique, une punition d'ordre collectif redoublant des sanctions déjà prises individuellement et sur un autre plan (financier, en l'occurrence) ? Rappelons que, dans une classe, le maître ne peut punir ainsi collectivement ses élèves. Rappelons aussi qu'une telle démarche (tenter de faire plier l'individu en attaquant la communauté) est lourdement connotée si l'on jette un coup d'œil à l'histoire du siècle passé.


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commentaires

P
<br /> <br /> Oui bien sûr cet avenir n'aurait rien à voir avec le rose qui précéderait le crépuscule du savoir...<br /> <br /> <br /> C'est plaisir que cette description du 1er degré, conceptualisée. Merci à vous Tristan ! Mais... adieu distinction 1er degré, 2d degré ! Demain vive<br /> « L'école du cycle » de 6 à 16 ans, hélas si chère aussi au PS ! Chacun bientôt pourrait (devrait?) valider en ligne, les mêmes compétences définies à partir des programmes partout<br /> en France, pour aider à valider au plus efficacement les compétences du socle ! Le numérique offrant par cette articulation pratique, le dernier consensus entre la logique des programmes et<br /> celle du socle commun. Un consensus sur le dernier souffle de l'esprit de programme et de savoir ! Les programmes définitivement réduits à des compétences.<br /> <br /> <br /> Que les compétences en arrive à faire de l'élève, au centre du système éducatif, un « enfant à haut risque », le suspect donc, rien d'étonnant. Comme<br /> Catherine le propose ici, il faut lire « La politique des choses» de Milner... Oui, vous avez raison de pointer combien le ridicule est totale en comparaison avec les reproches fait à la<br /> notation.<br /> <br /> <br /> Cela fait longtemps que mon malaise vis à vis des compétences, a laissé place à une simple suspicion intuitive. Fin des années 80, des « productions de texte »<br /> évaluées par une seule liste de croix, des livrets scolaires déroulant des feuilles et des feuilles de croix accompagnées d'un sobre « Bon travail » pour tout retour aux familles. Le<br /> travail d'un trimestre comme la carte d'une ritournelle d'harmonium... Aujourd'hui le cauchemar d'un cadre de l'éducation, le summum de l'exposition, n'est plus de manquer de références<br /> culturelles, mais de se promener sans un bon gros dossier d'histogrammes et graphiques d'évaluation sous le bras !<br /> <br /> <br /> C'est  hélas bien plus tard Tristan, que j'ai lu Condorcet qui offre un vrai contrepoids aux compétences, celui de savoirs trouvant toute leur force.<br /> <br /> <br /> Pour respecter peut-être l'esprit de ce site, on peut tracer des critères dans l'émotion qui nous gagne face à la dérive de ces évaluations maternelles. Il ne<br /> s'agit pas, il me semble, de s'opposer au principe de l'évaluation en maternelle, pas plus que de s'opposer au principe d'activités d’entraînement en maternelle comme on a pu le lire ailleurs.<br /> Mais d'en faire vraiment un des temps d'apprentissage préalables nécessaires pour tous dès la maternelle, au lieu de procéder à des dépistages comportementalistes, de confondre enfant et élève,<br /> de caractériser aussi lourdement sous couvert de prévention, et enfin d'enfermer dans des dispositifs apparemment aussi longs et cloisonnés.<br /> <br /> <br /> Amicalement.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> Mezetulle a reçu la réponse suivante de Tristan Béal.<br /> <br /> <br /> ***********************<br /> <br /> <br /> Je vous répondrai en portant à votre connaissance cette anecdote racontée par un ami...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  Dans la commune où il enseigne, depuis l'année dernière les maîtres donnent aux familles un livret de compétences qui a été conçu par leur inspection de circonscription avec l'aide<br /> d'enseignants collaborateurs. Toutes les écoles ont accepté ce livret. Le refuser aurait été possible au nom de la liberté pédagogique : bien que le livret scolaire doive être conforme aux<br /> programmes nationaux, sa forme n’est pas fixée par les textes réglementaires, le maître conservant donc le libre choix des modalités de notation des contrôles périodiques de ses élèves.<br /> <br /> <br /> L'année dernière toujours, lors d'une conférence de leur inspecteur devant tous les enseignants de la commune, celui-ci leur avait demandé de rassurer les parents au sujet de ce nouveau livret,<br /> notamment sur l'absence de notes et leur remplacement par le tryptique acquis / en cours d'acquisition / non acquis.<br /> <br /> <br /> Si le lecteur non averti veut un exemple de livret scolaire de compétences, qu'il clique ici  : il sera édifié et remarquera qu'à vouloir ainsi fragmenter, on se noie dans la<br /> pléthore d'informations. (Je ne parle même pas du temps mis par le maître pour remplir une telle somme : une véritable gageure !) On retrouve là, dans cette fragmentation des compétences, quelque<br /> chose du taylorisme ; et l'on peut se demander si l'élève de l'école des compétences n'est pas dans la même situation que l'ouvrier travaillant à la chaîne. Dans les deux cas, aucune vue<br /> d'ensemble : de même que l'ouvrier ne voit pas le produit fini mais qu'une parcelle de celui-ci, ainsi l'élève des compétences n'a jamais accès à un tout ; ce que, du temps de l'école du savoir,<br /> on appelait le savoir encyclopédique.<br /> <br /> <br /> Revenons à l'inspecteur de mon ami. Cette année encore, il a donné une conférence sous la forme d'une grand-messe obligatoire pour tous les instits de la circonscription. Conférence toujours<br /> accès sur ce fameux livret de compétences et sur les conséquences qui en découlent pour la façon de travailler des collègues. Avec un vrai souci de leur épargner un travail inutile, leur<br /> inspecteur leur a dit qu'il ne s'agissait pas pour eux de se creuser la tête afin de retranscrire leur ancienne façon d'instruire (il disait plutôt, je pense : leur pratique d'enseignement) en<br /> termes de compétences, mais qu'il s'agissait d'aller sur tel site internet du ministère pour trouver des progressions déjà toutes faites et s'y coller vaillamment. Autre conseil pour mener à bien<br /> cette pédagogie revisitée par les compétences : se fournir de grilles de références  pour être ainsi capables de bien évaluer<br /> les activités que les élèves manifestent quand ils travaillent. Ce verbe « manifester » est employé à dessein, car, selon une telle façon d'enseigner, on ne doit prendre en compte que les<br /> manifestations extérieures de l'activité des "apprenants", leur intériorité devant rester inaccessible par respect pour eux.<br /> <br /> <br /> Outre le fait que la liberté pédagogique de l'instituteur est encore foulée aux pieds, que ce beau métier quitte le champ de l'artisanat pour tomber tout entier dans la sphère de l'évaluation<br /> tous azimuts, c'est vraiment encourager l'instituteur à n'être plus qu'un simple tâcheron. C'est aussi, avec toutes ses grilles de références dont il doit se harnacher dès qu'il met ses<br /> "apprenants" en "activité", faire de lui un simple contremaître : de même que dans les usines le contremaître surveille les ouvriers et les dépossède du contrôle de leur travail, de même<br /> l'instituteur contremaître évalue les élèves et les empêche d'avoir accès à un vrai savoir émancipateur. Et l'on en arrive à un contre-maître, c'est-dire un maître qui n'enseigne plus le vrai, le<br /> montre à ses élèves pour que ceux-ci se tournent librement vers lui et le comprennent...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> J'ai oublié le lien vers le document ministériel !<br /> http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/evaluationgs.pdf<br /> <br /> <br /> Bonne journée à toutes et à tous.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Vous avez probablement eu l'information. Je présente ici ?<br /> <br /> <br /> Le ministère de l'éducation nationale présentait mercredi des évaluations nationales pour la GS en maternelle. Depuis un an, j'entends parler de ce projet et des<br /> remous qui pourraient l'accompagner (« comme toute réforme bien sûr... »). Comment pourrait-il s'agir d'une affaire bâclée ? Comment expliquer ce qui ressemble à une faute morale<br /> au plus haut de l'état ?<br /> <br /> <br /> Comme Tristan, je ne suis pas contre les évaluations en soi, et notamment en maternelle. Le poids des programmes 2008 en mater est même à mon sens un peu léger, la<br /> phonologie aurait dû s'accompagner d'une liaison plus forte à l'écrit.<br /> <br /> <br /> 1. Le dispositif « proposé » (comme dans un mouvement de recul) prévoit un repérage des élèves de Grande Section présentant des risques pour les<br /> apprentissages ». On n'est plus dans le contrôle des compétences qui devraient être acquises mais dans l'anticipation de l'échec possible. Le dérapage verbal est immédiat. Le codage devient<br /> «Score RAS », «Score à Risque », «Score à Haut risque ». De l'élève au centre du système éducatif, le ministère fait maintenant un enfant à risque potentiel. La chute était elle<br /> tout à fait prévisible ! On nous parle d'erreur dans le choix du vocabulaire... On lit « enfant à risque » et non « élève en retard dans les apprentissages ».<br /> « Prévenir n'est pas prédire » nous dit-on... A suivre...<br /> <br /> <br /> 2. Les critères de définition du risque repose en partie sur des indices comportementaux. Dès novembre, l'élève est observé : s'il joue en récréation ou non,<br /> s'il exécute le travail scolaire ou non, s'il est capable d'attention soutenue. Pourquoi ne se limite-t-on pas à évaluer les seuls apprentissages des élèves ? Pourquoi ne pas développer<br /> cette seule culture de l'évaluation qui fait effectivement un peu défaut en maternelle ? Cette confusion entre l'évaluation de comportement et celle des apprentissages, semblent se<br /> renouveler en fin d'année (nous n'avons pas encore les documents sur ce point) au moment de tirer le bilan du potentiel de risque d'apprentissage en CP...<br /> <br /> <br /> 3. Les élèves dépistés auront droit pendant des mois à des séances d’entraînement intensive (tous les jours ½ h) en groupe sur et/ou en dehors du temps de travail<br /> de tous les élèves de la classe. A priori les groupes ainsi définis semblent un peu figés et se dessinent des parcours longs et lourds en dehors du groupe classe.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pourquoi évaluer un devenir et son risque et non les apprentissages en court dans la classe ? Pourquoi évaluer aussi des symptômes externes et ne pas se<br /> limiter au contenu des apprentissages ? Cette conjonction du ciblage du devenir et du comportemental est-elle encore le propre d'un regard d'un enseignant sur l'élève, ou celui d'un médecin<br /> sur son patient, voir d'un juge ?... Pourquoi cibler autant d'apprentissages hors du groupe classe (comme formateur je ne vois quasiment jamais en GS de travail en classe entière, à part<br /> oral).<br /> <br /> <br /> Pourtant on nous parle de l'autorité reconnue du « Laboratoire des sciences de l'éducation » de l'Université de Grenoble, et de ses médecins, ayant<br /> inspiré le dispositif. Je vous laisse Mme Kintzler mieux interpréter s'il se joue là un glissement notable et dangereux. Pour avoir eu à fréquenter les sciences de l'éducation, il me semble que<br /> l'autorité semble passer ici des mains des sciences humaines à celles des sciences médicales. Dans 20 ans la neuro-biologie cognitive définira-t-elle notre enseignement ?<br /> <br /> <br /> Depuis 3 ans, il ne reste presque plus d'élèves en « Toute Petite Section » sur ma ville. Leur pertinence pour l'enseignement du français des plus petits,<br /> était fondamental. Les RASED (réseaux d'aides, enseignants spécialisés et psy) sont décimés. La médecine scolaire est exsangue. Il n'y a pas de remplacement des ATSEM (personnel qui aide au bon<br /> fonctionnement des maternelles dans ma ville) en-dessous de 3 ATSEM absentes... Et l’enseignant devrait pour cela tout confondre ?<br /> <br /> <br /> PISA nous alerte sur les résultats de certaines catégories de population et elles seules devraient avoir droit à des séances d’entraînement en maternelle en marge<br /> de la classe ?<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> Philippe Foucher a envoyé le lien vers le document ministériel dont il est question : cliquer ici.<br /> <br /> <br /> Mezetulle a reçu la réponse suivante de Tristan Béal<br /> <br /> <br /> *****************************************<br /> <br /> <br /> Sous prétexte que l'on ne saurait voir ce qui se passe dans les esprits, une certaine manière d'enseigner a cru bon de ne s'attacher qu'aux comportements, en tant que tels parfaitement<br /> assignables. Dans un même mouvement – émancipateur, croyait-on – on a substitué au mot « savoir » le mot « compétence ». Et on a fragmenté une compétence maîtresse en<br /> micro-compétences. La fin est ainsi perdue car noyée dans tous les prémices qui l'annoncent.<br /> <br /> <br /> Il y a là quelque chose du behaviorisme qui a donné naissance à ce répétitif travail en miettes tel qu'on peut le voir dans les premières scènes des Temps modernes de Chaplin. Et peut-être<br /> n'est-il pas étonnant, à force de fragmenter le savoir pareillement, de ne même plus accéder au savoir, comme la fameuse flèche de Zénon qui finalement n'avançait pas.<br /> <br /> <br /> Je crois que ce projet d'évaluation en maternelle s'inscrit dans cet évanouissement de l'école libératrice du savoir face à l'école contraignante de la compétence et du comportement.<br /> De la sorte, et toujours avec cette idée de l'absence de mouvement vers le savoir, dans notre école du socle commun, l'élève (peut-on encore utiliser ce si beau mot ?) a de la maternelle<br /> jusqu'à la fin du collège pour acquérir ces fameuses compétences. A ainsi diluer dans le temps, on peut se dire que rien ne sera mené à son terme. Cela rappelle un peu la politique des cycles de<br /> 1989 dans le primaire, où l'on disait qu'il n'y avait rien de grave à ce qu'un élève ne sache pas lire à la fin de son CP, qu'il avait encore son CE1 pour cela, voire son CE2. Moralité : des<br /> élèves sont passés dans la classe supérieure sans avoir des bases solides et ont eu bien de la peine à suivre par la suite. Mais l'essentiel est qu'ils n'avaient pas redoublé... Pareillement<br /> donc, avec cette lecture prospective de la difficulté scolaire (un indice en maternelle permettrait de diagnostiquer une inadéquation au métier d'élève, pour reprendre la phraséologie<br /> ministérielle), on empêche encore le mouvement : l'évaluation ici sanctionne et immobilise l'enfant à un moment de son développement.<br /> <br /> <br /> Mais je me prends là à utiliser les mêmes arguments que ceux qui fustigent les notes à l'école et l'idée de contrôle : la note chiffrée ou lettrée enfermerait l'élève dans un moment de son<br /> rapport au savoir, elle serait mal vécue (surtout quand elle est mauvaise), elle entretiendrait entre les élèves un délétère rapport de compétition au lieu de défendre un esprit d'entraide et de<br /> gratuité face au savoir.<br /> <br /> <br /> Comme je le dis aux élèves, la note n'est que la note d'un moment et ne préjuge en rien de la suite ; elle est à prendre finalement comme un indicateur et doit avoir toujours un effet<br /> parénétique : si elle est bonne, elle doit pousser l'élève à continuer ainsi et ne pas s'endormir sur ses frais lauriers ; si elle est mauvaise (pardon : faible), elle doit encourager à<br /> mieux faire et à se bourrer les côtes, sachant que l'élève peut toujours compter sur le maître qui est là pour lui éclairer le chemin – et non l'étiqueter et le condamner...<br /> Au final, ce qui dans un premier temps se voulait émancipateur se révèle particulièrement asservissant : il s'agit là d'avoir une mainmise sur le comportement et pourquoi pas de le modeler.<br /> <br /> <br /> Mais je suis persuadé, par ce si beau dimanche, que l'avenir de l'école sera sous peu plus rose...<br /> <br /> <br /> <br />
M
Non Madame, cela ne m'avait pas échappé : c'est le sens de la première phrase de mon commentaire, laquelle n'était pas ironique.
M
Vous avez raison, Monsieur : il y a en effet beaucoup de raisons pour refuser cette évaluation. Vous en oubliez une : il faut cesser de mesurer le désastre, ce n'est pas bon pour le moral de la nation, je veux dire du peuple, enfin des gens quoi. Il faut prendre exemple sur l'INED et l'INSEE qui ont cessé de faire des recensements de la population et ne font plus que des "sondages" qui permettent de ne dire que ce que l'on accepte que la nation, je veux dire le peuple, enfin les gens sachent de leur propre sort.
M
<br /> C'est vrai que pour l'école on a pris l'habitude de casser les thermomètres de peur de mesurer l'étendue des dégâts provoqués par une idéologie qui sous prétexte d'éduquer refuse d'instruire - et<br /> Tristan Béal n'a pas été le dernier à dénoncer cette fuite et ce refus, justement !<br /> <br /> Mais peut-être qu'un point a échappé à votre attention dans cet article : l'auteur y explique notamment qu'on ne peut pas évaluer ce qu'on n'a pas encore enseigné. Ce n'est pas la même chose de<br /> casser un thermomètre et de vouloir prendre une température qui n'existe pas.<br /> <br /> <br />
J
Tout d'abord, je tiens à vous présenter mes excuses pour le mauvais jeu de mots que j'ai fait sur votre prénom ... C'est la faute à l'agacement, pas la faute à Voltaire ni la faute à Rouseau.Votre réponse étant particulièrement longue, je vais m'en tenir à l'essentiel.Si les textes officiels disent que les évaluations sont proposées, il est clair qu'il ne peut y avoir de sanction. C'est du moins de cette façon que je comprends le mot. Le mieux, c'est de laisser la hiérarchie prendre ses responsabilités (si elle en est capable!) puis de contester la décision de sanction qui pourrait être prise  devant le Tribunal administratif territorialement compétent (après avoir épuisé la voie de recours gracieux puis hiérarchique faute de quoi la contestation judiciaire risquerait d'être irrecevable).Oui, tout salarié doit obéir à son employeur ... C'est le pprincipe même du contrat de travail ... A fortiori, tout fonctionnaire doit obéir aux instructions écrites qu'il reçoit de sa hiérarchie ... Ladite hiérarchie le sait très bien! C'est pour cela qu'elle se garde bien de donner des instructions écrites ... spécifiques. OBtenir d'un fonctionnaire qu'il s'engage personnellement sur la mise en oeuvre d'une action en donnant des instructions écrites personnelles relève du voeu pieu ...Oui, si les programmes d'enseignements disent qu'il faut enseigner le créationisme, il faudra bien que les enseignants s'y soumettent. D'ici là, nous nous retrouverons, côte à côte, pour empêcher que de telles inepties figurent jamais dans les manuels scolaires ...Quant aux enseignants et, d'une façon plus générale, les agents publics (dont je suis) qui saisissent de faux résultats, ils devraient être non seulement "saqués" financièrement mais également disciplinairement ... Ce dernier point est à la discrétion de la hiérarchie.Logiquement, il faudrait aller plus loin et engager des poursuites pénales ... malheureusement, notre beau pays et notre non moins belle législation considèrent que la falsification statistique n'est pas punissable!  Il faut donc craindre que de nombreux enseignants fourniront les résultats "arrangés" que leur hiérarchie attend car ce que veut la hiérarchie "académique", c'est ne pas avoir de problème avec le ministre ... Ainsi fonctionne notre fonction publique ... décadente, à l'opposé de ce qu'elle devrait faire!Gardez vous de me ranger dans le même sac que tous ces "franchouillards" qui bouffent du fonctionnaire ... Je veux juste que l'on remette les pendules à l'heure ...
B
 <br /> Monsieur,<br /> A la première lecture de votre commentaire, je me suis dit que je commencerais ma réponse en vous écrivant que vous teniez le fonctionnaire pour une fille et l'Etat pour un client et que le fonctionnaire devait satisfaire les bons plaisirs de l'Etat sans broncher ni renâcler.<br /> Ensuite, l'indignation tombant, me disant même que votre réaction pouvait être ironique, j'ai reconnu en moi-même qu'il existait entre nous un point d'entente. Comme vous, je pense, je suis un partisan de l'ordre : l'ordre (même une apparence d'ordre) vaut mieux que le désordre. Partant, mieux vaut qu'il y ait un Ministère de l'Education nationale plutôt que l'instruction de nos enfants soit laissée à l'arbitraire de diverses congrégations ou coteries. Pareillement, le fonctionnaire doit obéir et ne pas toujours prendre pour un oui ou pour un non son billet pour Bordeaux ou Londres : toute proportion gardée, il est à l'image d'un soldat qui doit obtempérer. Que serait-ce, sur un champ de bataille, si le moindre troufion décidait d'aller à l'encontre des ordres de son général ?<br /> Néanmoins, par écrit, rien n'empêche d'élever des critiques, je crois que vous me l'accorderez. Et tel était mon propos : non pas mettre à bas le Ministère de l'Education nationale, mais pointer des incohérences de sa part.<br /> En passant, d'ailleurs, reconnaissez que vous avez une bien piètre opinion de l'enseignant en tant que tel (je ne parle pas des enseignants, votre blog est suffisamment clair à ce propos). Autrement dit, je ne crois pas que vous teniez un enseignant pour ce que son nom signifie : celui qui montre des signes à ses élèves et par lesquels il espère les élever vers la vérité. De ce que j'en conclus, vous tiendriez plutôt le maître pour un vulgaire tâcheron : à lui de mettre en œuvre servilement une pédagogie au sujet de laquelle il ne doit se poser aucune question. Un maître n'est donc qu'une moule collée à son rocher et devant adhérer à toutes les réformes que le Ministère juge bon d'inventer : être transmissif pendant quatre ans, comportementaliste les deux années suivantes, ne jurer que par les manuels puis brûler ces mêmes manuels, faire sortie sur sortie puis se cloitrer dans sa salle de classe, etc, etc... Un enseignant honnête serait donc un enseignant de circonstance. Soit, mais alors il ne s'agit plus de l'enseignant tel qu'il devrait être que vous parlez, mais d'un vil esclave qui ne pense absolument pas ce qu'il fait et dans quel but il le fait.<br /> Mais je m'égare et revenons plutôt aux évaluations de CM2 et à ces instits' impunément rétifs et parasites.<br /> Un syndicat hautement légaliste, après avoir épluché le BO, y a trouvé écrit que les évaluations étaient « proposées » aux enseignants. Quand on propose quelque chose, rien n'empêche qu'on le refuse, je pense. Conséquemment, toutes les menaces de notre hiérarchie qui se sont manifestées durant les journées précédant les évaluations ne pouvaient qu'apparaître infondées et attentatoires. Un enseignant refusant de faire passer ces évaluations n'est donc pas désobéissant et n'est pas non plus un profiteur indûment payé par l'Etat. Entre parenthèses, n'étant pas moi-même un maître de CM2, vous ne pouvez me taxer de propos pro domo.<br /> Maintenant, tout votre laïus sur les impôts mérite une précision. Vous écrivez sur votre site que le fonctionnaire déviant en général et l'enseignant qui regimbe en particulier doit être « saqué » : s'il ne fait pas son travail, qu'il perde de son salaire ou qu'il soit sanctionné. Et je reconnais que l'on a toujours la majorité de son côté quand on commence à parler du fonctionnaire comme parasite de l'Etat. Sauf que, tout enseignant ayant refusé honnêtement car ouvertement de faire passer ces évaluations non seulement peut oublier l'aumône de 400 € mais aussi faire une croix sur 1/30 de son salaire alors qu'il a effectué son service devant ses élèves. Autrement dit, l'Etat va certainement ponctionner une partie de salaire à des enseignants qui certes n'auront pas fait passer les évaluations mais qui tout de même auront fait classe à la place. Personnellement, je ne vois pas là de justice.<br /> Je suppose que mieux aurait valu être de ceux qui décident en ce moment de faire passer en partie ou totalement ces évaluations, quitte à aider les élèves rencontrant des difficultés, ou bien de mal saisir les résultats pour leurrer le Ministère et de mettre bon à tous... et de toucher la fameuse prime de 400 € sans faire de vagues.<br /> Mais alors, de votre point de vue, qui sont les véritables pilleurs des caisses de l'Etat et les fossoyeurs de l'honnêteté ?
J
Pauvre Tristan Beal! Vous êtes vraiment bien triste ... (mauvais jeu de mots ...)dans quels monde vivez vous? Pouvez vous vous mettre dans la tête que vous êtes là pour faire ce que votre HIERARCHIE vous ORDONNE de faire et non pas pour mettre en oeuvre votre politique personnelle de l'enseignement?Ce n'est pas à vous de décider de ce que doivent être les programmes d'enseignement! C'est au Gouvernement de la République ... La REPUBLIQUE, c'est un mot qui devrait sonner à vos oreilles, non?Alors, pour justifier votre salaire, financé par les IMPÔTS que, notamment, je consents à payer, s'il vous plait, agissez selon les instructions qui vous sont données par écrit ... de la sorte, vous aurez la conscience tranquille!La république ne vous demande pas d'être un militant! Seulement d'être un professionnel ...

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