25 mai 1970 1 25 /05 /mai /1970 11:15

Laïcité: Sarkozy franchit la ligne rouge
par Catherine Kintzler
article publié par Marianne en ligne le 19 janvier 08

En ligne le 27 janvier 2008


Loin d'atténuer les déclarations du « Discours de Latran », le discours tenu le 14 janvier par le Président de la République à Ryad les renforce.
Aucun Président n'avait osé une telle célébration des religions. Aucun n'avait osé prononcer le nom de « Dieu » autrement que comme un nom commun, un concept ou dans des expressions courantes : cette fois il a été, à plusieurs reprises, assumé comme une entité à laquelle il faut croire. Une ligne rouge est franchie.


Confusion entre tolérance et laïcité
« Voilà bien une indignation partisane inspirée par l'intolérance laïque », ne manqueront pas de dire les inconditionnels du sarkozysme. C'est qu'ils répandent une idée fausse, selon laquelle la laïcité serait un dispositif antireligieux faisant obstacle à la tolérance. C'est qu'ils confondent laïcité et tolérance.
Le principe de laïcité touche l'autorité publique, ce qui relève de l'Etat et de ses institutions, du droit et de sa production. Ce principe est minimaliste : il dit que le lien religieux n’est pas nécessaire au lien politique qui fonde la cité ; en conséquence il impose un devoir d'abstention à la puissance publique en matière de croyances et d'incroyances. Cette abstention fonde, partout ailleurs dans la société civile, la liberté des opinions, des croyances et des incroyances dans le cadre du droit commun. Par son silence, le principe de laïcité libère l'espace civil où règne le principe de tolérance. La laïcité ne s'oppose aux religions que lorsque celles-ci prétendent faire la loi. Pour la même raison, elle ne peut tolérer aucune religion civile : la loi ne peut pas être un dogme.

S’appuyer sur le rejet du laïcisme pour accréditer le communautarisme
Présenter la laïcité comme une machine antireligieuse, c'est la confondre avec le laïcisme qui veut soumettre la société civile au principe d'abstention propre à la sphère publique. Le raisonnement sarkozien s’autorise alors de cette confusion pour réclamer à l’inverse une laïcité « positive », qui mettrait la puissance publique au même régime de tolérance que la société civile. Cela revient à briser le modèle politique qui en France conditionne une grande partie de la liberté d'opinion ; c’est promouvoir les religions ès qualités au statut d’interlocuteurs politiques, c’est ouvrir la voie au communautarisme, c’est accepter qu'une doctrine officielle se répande au sujet de la croyance.
Il y a là un projet qui tend à l'alignement de la France sur un modèle dont on oublie trop souvent les lacunes.

La réussite laïque
Car il y a trois choses que le régime de laïcité réussit seul à faire, et qui échappent au modèle de tolérance tous azimuts sur lequel semble lorgner le Président de la République.
1° Le régime laïque rend impossible toute officialisation du religieux (ou de l’athéisme) ; les religions sont protégées contre l’Etat et réciproquement. En outre, il y a égalité morale entre les croyants, et aussi entre les croyants et les incroyants.
2° Le régime de laïcité est incompatible avec le communautarisme. Les communautés (religieuses ou autres) peuvent s'organiser librement, elles jouissent d'un statut juridique et ont toute liberté d’expression, mais elles ne peuvent pas prétendre à la reconnaissance politique, réservée aux citoyens et à leurs représentants élus.
3° La laïcité ouvre un espace civique et critique commun. Elle demande à chacun, d'abord à l'école puis comme citoyen, de faire un pas au-delà de son origine, de faire un effort pour ne pas se réduire à une appartenance préalable à laquelle personne n'est tenu de renoncer.

Un gourou indiscret
Comme individu, N. Sarkozy jouit de la tolérance qui s'applique à la société civile. Mais le Président s’exprimant en tant que tel n'a pas la même liberté.
En célébrant l'esprit religieux, en déclarant que « Dieu est dans le cœur de chaque homme », que l'espérance est indissociable de la croyance, en réduisant les religions au désir de transcendance, le Président commet une effraction dans un domaine qui devrait rester inviolable. Tel un gourou, il prétend délivrer une vérité sur la conscience de chacun, et blesse en cela autant les croyants que les incroyants. Nous n'avons que faire d’une profession de foi indiscrète : qu'il nous laisse prendre nous-mêmes soin de notre âme et qu’il s’attache plutôt à rendre l’espoir aux Français, ici et maintenant. Il n'est pas toujours mauvais, lorsqu'on vous montre la Lune, de regarder le doigt.

© Marianne et Catherine Kintzler, janvier 2008

Voir aussi sur ce blog :
- Laïcité et référence religieuse dans les textes constitutifs de l'association politique 
- La laïcité face au communautarisme et à l'ultra-laïcisme 
- Laïcité et philosophie
- Qu'est-ce qu'une laïcité "négative" ?
- Secularism and French Politics


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commentaires

A
Quand j'écris que la Turquie marche sur un fil étroit, vous ajoutez qu'elle fait le grand écart. En tout cas, c'est une sacrée gymnastique...Je ne suis pas cela dit tout à fait d'accord quand vous écrivez "...sacralité des religions" alors que le préambule emploie les termes "les sentiments de religion, qui sont sacrés,...". Le sens du mot sacré est ici ambigu. La constitution turque ne l'emploie-t-elle pas comme nous dirions que "la vie privée est sacrée" ?... Ca se discute.Je pense aussi qu'il serait "intéressant, par exemple, d'avoir les chiffres des mariages mixtes dans l'ensemble des pays tolérants et laïques et de faire des comparaisons entre d'une part les pays à tradition "tolérante" et d'autre part la France". Mais... maintenant que j'y pense... c'est impossible !... Le Conseil Constitutionnel l'a bien dit récemment, il est stric-te-ment interdit de mener des études statistiques comprenant des éléments relatifs à la communauté (l'ethnie) du sondé.Il est bien connu que dans notre France laïque, il n'y a pas de communautés !... Et toute étude qui tenterait de mesurer cet aspect de notre société est forcément suspecte, accusée de vouloir discriminer, amalgamer, ghettoïser (choisir le terme qui convient).C'est un sujet auquel je suis sensible car mon métier consiste justement à faire ce genre d'études statistiques. La décision du Conseil Constitutionnel en la matière, s'appuyant justement sur la définition de la laïcité à la française, consiste tout bonnement à se mettre la tête dans le sable en croyant que si on ne mesure pas un phénomène, il cesse d'exister. http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007557/communiq.htmLa référence faite à l'article 1er de notre constitution (La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.) était particulièrement malvenue puisque le Conseil Constitutionnel a finalement confondu le fait de mesurer un phénomène et le fait de le causer.Un autre élément de votre réponse m'a fait tiquer, c'est quand vous accusez Sarkozy "d'encenser la partie la plus réactionnaire de l'islam". Un des points sur lesquels Sarkozy voudrait revenir sur la loi de 1905 concerne justement le financement des lieux de culte. Tout spécifiquement les mosquées bien sûr. L'idée, si j'ai bien compris, c'est d'éviter le développement de "l'Islam des caves" et l'influence d'imams parfois auto-proclamés et financés justement par les branches les plus fondamentalistes. C'est ce que Sarkozy a appelé plusieurs fois "l'Islam de France". Cette idée me semble être l'exact contraire des intentions que vous lui prêtez.J'ai bien conscience que l'idée d'autoriser la subvention de la construction de mosquées par l'Etat ou les collectivités locales heurte nos convictions laïques, et qu'il ne s'agit que d'un moindre mal mais... justement, c'est un moindre mal.Il reste à la fin le fait que, contrairement à vous, je ne crois pas que dans ses discours de Latran ou de Ryad, Sarkozy ait transgressé la moindre loi. Qu'il n'ait pas respecté un "usage" républicain, certes... mais une loi ? Aucune loi à ma connaissance n'interdit au Président de la République, sous prétexte de neutralité, de s'exprimer au sujet de la religion.Je ne partage pas son opinion sur le sujet, mais il ne me semble pas encore nécessaire de composer le 17...Néanmoins je vous promets que le jour où une loi sera votée introduisant des différences entre les citoyens sur la base de leur religion (ou absence de...) je serai à vos côtés pour lancer des bombes sur l'Elysée.
M
1 - Turquie : grâce à vous, j'ai pu lire la Constitution. L'article 24 est intéressant: "L'éducation et l'enseignement religieux et éthique sont dispensés sous la surveillance et le contrôle de l'Etat." 2 - Vous confondez communautés et communautarisme. J'ai cité le livre de J. Landfried, et l'article que je lui ai consacré. Je crois qu'on tourne en rond ici.3 - Financement des mosquées. C'est contraire à la loi. Et si certains veulent la changeri, je ne vois pas en quoi un financement public pourra empêcher les financements privés... sans compter que les autres religions réclameront leur part du gâteau payé par les contribuables. En outre, contrôler la formation des religieux serait contraire à la liberté des cultes, on n'est pas en Union soviétique. 4 - Aucune loi n'interdit à un citoyen d'exprimer ses opinions religieuses, dans le respect du droit commun. NS a écrit un livre là-dessus : pas de quoi s'inquiéter. En revanche la loi interdit à tout magistrat d'en faire état dans l'exercice de ses fonctions. J'ai fait clairement cette distinction dans mon article : preuve que vous ne l'avez pas lu et qu'on tourne en rond une fois de plus. A quoi bon répéter ce qui ne peut plus éclairer les lecteurs (ni ceux qui lisent car ils ont déjà compris et risquent de se lasser, ni ceux qui ne lisent pas vraiment ...) ?
A
Je parlais bien sûr de l'Europe géographique, pas de l'Union Européenne. La Turquie, comme la Norvège ou la Suisse, est bien un pays européen quoique non membre de l'Union.Il est vrai que la Turquie se promène sur un fil bien étroit, mais on trouve bien dans sa constitution (http://www.bleublancturc.com/Turquie/anayasa.htm) les phrases suivantes:Préambule: considérant qu'aucune opinion ou pensée ne peut se voir accorder protection à l'encontre des intérêts nationaux turcs, du principe d'indivisibilité de l'entité turque du point de vue de l'Etat et du territoire, des valeurs historiques et spirituelles inhérentes au peuple turc, ni du nationalisme, des principes, des réformes et du modernisme d'Atatürk, et qu'en vertu du principe de laïcité, les sentiments de religion, qui sont sacrés, ne peuvent en aucun cas être mêlés aux affaires de l'Etat ni à la politique; Article 2: La République de Turquie est un Etat de droit démocratique, laïque et social, respectueux des droits de l'homme dans un esprit de paix sociale, de solidarité nationale et de justice, attaché au nationalisme d'Atatürk et s'appuyant sur les principes fondamentaux exprimés dans le préambule. Dans mon commentaire je ne faisais pas de confusion entre "esprit de tolérance" et "laïcité", j'essayais juste de comprendre comment les propos de Nicolas Sarkozy et sa position supposée sur le concept de laïcité pouvait avoir une influence quelconque sur ma vie...Ainsi, en constatant que la plupart de nos voisins n'avaient pas adopté la séparation de l'église et de l'état, j'en suis venu à penser que la laïcité à la française n'était pas forcément une condition indispensable à une vie en bonne harmonie avec ses contemporains.Vous écrivez d'ailleurs: "Les différences sont considérables au niveau du dispositif de pensée. Elles le sont peu dans la vie quotidienne au niveau de la liberté des opinions". Jusque là je suis d'accord. Mais quand vous rajoutez "mais seulement lorsque tout va bien" j'ai du mal à vous suivre.Pourquoi "lorsque tout va bien" ?... Et d'ailleurs, est-ce que ça va jamais "bien" ?... Est-ce qu'aujourd'hui ça va "bien" ?... et si "non", alors en quoi la société britannique est-elle plus en danger que la société française ?... Les attentats de Londres peuvent-ils être imputés à "l'absence" de laïcité, ou bien plutôt à la participation des troupes britanniques à la guerre en Irak ?... Aurions-nous été plus à l'abri si nous avions participé à cette attaque ?Je reste dubitatif devant votre référence à "la multiplication des affrontements communautaires violents". Il me semble qu'en Irlande on avance plutôt dans le bon sens; quant aux affrontements avec les personnes d'origine indo-pakistanaise, ils n'ont j'en ai peur rien de nouveau et trouvent là encore pour une bonne part leur origine dans la situation au Moyen-Orient et non dans les spécificités anglaises quant à la place de la religion dans la vie publique.En ce qui concerne les USA, j'avoue avoir du mal à comprendre... D'un côté eux aussi ont adopté la séparation de l'église et de l'état, mais de l'autre ils multiplient les références à Dieu. Que ce soit sur leur monnaie (In God we Trust), dans leurs discours (God Bless America) ou dans leur serment d'allégeance (One Nation Under God). Intéressant de noter que l'ajout de ce "under god" date des années 50, en pleine guerre froide (http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9E04E1DA153EF934A15755C0A9649C8B63). La particularité américaine semble être que les églises s'y sont organisées en groupes de pression. Il existe un lobby évangéliste comme il y a un lobby des pétroliers ou des céréaliers. Mais je le répète, j'ai du mal à bien les saisir.Ainsi, mon problème vis à vis de votre texte vient du fait que je ne vois pas en quoi Sarkozy mettrait en danger... quoi d'ailleurs ? concrètement...Et ma référence à Marianne vient de l'apparente communauté d'idée entre quelqu'un qui écrit "Sarkozy franchit la ligne rouge" (qui devrait être blanche d'ailleurs) et un autre qui le traite de "Fou de Dieu". Mais je me trompe peut-être...
M
Pour la Turquie, je m'inspirais de propos entendus l'an dernier dans la bouche de Robert Badinter, peut-être faisait-il allusion à un autre texte que celui de la constitution... peut-être (ce qui m'étonnerait) était-il mal renseigné ? Le préambule que vous citez fait du reste le grand écart et n'hésite pas à parler de sacralité des religions et en même temps de séparation des églises et de l'Etat.... Ce qui m'amène au second point: la séparation des églises et de l'Etat est bien antérieure à la laïcité qui ne l'a pas inventée. On en trouve par exemple une théorie très précise dans le texte de Locke que j'ai commenté. Dans les divers textes que je vous ai cités, je m'efforce notamment de dire en quoi le concept de laïcité excède cette seule propriété. Pour les USA, on pourrait dire que la séparation des églises et de l'Etat y est effective, mais dans un sens seulement !!! N'oublions pas aussi que pour de nombreuses religions la notion d'Eglise n'a aucun sens. Pour les pays à modèle anglo-saxon, j'aurais aussi pu vous citer l'assassinat de Théo Van Gogh, et vous pourriez me répondre fort justement en me citant l'exemple des menaces de mort qui pèsent ici sur Robert Redeker, donc j'essaie d'éclaircir mon propos. Je n'ai pas dit que la société britannique était plus en danger, mais que l'Etat y dispose de moins d'armes juridiques et institutionnelles pour lutter contre la diffusion de l'intégrisme et les affrontements "communautaires" . Ce serait intéressant, par exemple, d'avoir les chiffres des mariages mixtes dans l'ensemble des pays tolérants et laïques et de faire des comparaisons entre d'une part les pays à tradition "tolérante" et d'autre part la France. Cela dit, je crains que l'écart ne se comble... et qu'on en vienne en France au même degré de séparation des "communautés" sur de trop nombreux points. En effet, il ne suffit pas de disposer d'armes juridiques et institutionnelles, encore faut-il avoir la volonté politique de s'en servir, et se donner les moyens de le faire. Et c'est là que je vous rejoins sur un point capital : cela ne va pas bien, également en France où le manque de volonté politique depuis au moins trente ans sur ces questions a créé et étendu des zones de non-droit, nous a mis sur la voie d'une ghettoïsation qui ne fait qu'encourager le communautarisme - abandon économique, abandon des services publics, sans parler de la politique scolaire (il en est question aussi sur le blog). Vous voyez que, rien que par ma chronologie, je n'épargne pas non plus la prétendue "gauche", qui a lancé avec le succès qu'on sait la thèse de l'école "lieu de vie", qui y a introduit la sacralité des "différences" (n'oublions pas que Jospin a légitimé le port du voile à l'école publique), qui a pratiqué une politique d'abandon et de reculades devant une poignée d'indépendantistes corses ("le processus de Matignon"), j'en passe... il a du reste fallu que les citoyens corses se prononcent par référendum pour que Sarkozy Ministre de l'Intérieur - qui avait allègrement emboîté le pas à ses prédécesseurs - mette fin à cela. Sarkozy candidat a déclaré vouloir rétablir l'ordre républicain dans les "quartiers"... ok, mais le meilleur moyen n'est sûrement pas de discuter avec les chefs intégristes, d'encenser la partie la plus réactionnaire de l'islam en se répandant en actions de grâces en Arabie Saoudite (alors que les nombreux musulmans laïques en France passent inaperçus), ni d'accoutumer les Français à reconnaître des divisions sur une base religieuse ; c'est mettre de l'huile sur le feu. On serait plus avisé de réurbaniser dignement ce qu'on appelle pudiquement les "zones sensibles", de leur redonner visage humain et d'y pratiquer une politique volontariste en matière de sécurité et de services publics. Voyons ce que le plan banlieue proposera et fera, je ne suis pas systématiquement opposée à tout ce qui vient de tel ou tel gouvernement ! La ligne rouge et non pas blanche ? Mais on n'est pas sur la route, et je voulais tout simplement dire que à mon avis dans les 2 discours (Latran et Ryad), le Président a transgressé l'article 2 de la loi de 1905 en accordant une reconnaissance explicite à des courants de pensées, à une philosophie générale de la croyance, ce qu'il n'a pas à faire. Le Président du Conseil constitutionnel s'en est d'ailleurs ému... sans suite bien entendu : comme ça tout le monde s'habitue à ce que j'appelle dans mon livre la forme du religieux comme référence du lien politique. Bon, mais je ne vais pas récrire mon livre dans un com ! Et puis, comme vous le dites si bien, la belle affaire qu'un magistrat transgresse la loi, qu'est-ce que ça change ? Eh bien moi je suis de ceux qui en font tout un plat, ça me dérange qu'on ne respecte pas la loi, surtout lorsque cette loi est profondément liée au modèle politique qui nous sert (encore, mais pour combien de temps) de colonne vertébrale. Car à mon avis si la France abandonne ce modèle qu'elle sait faire fonctionner quand elle en a la volonté et qu'elle s'en donne les moyens, elle ne saura pas pour cela faire fonctionner le modèle anglo-saxon qu'on veut lui imposer. En revanche, et comme je le disais dans ma précédente réponse, le modèle laïque "à la française" intéresse bien du monde au-delà de nos frontières. Sur l'accoutumance au communautarisme, je vous recommande le livre de Julien Landfried Contre le communautarisme. J'en ai fait un compte rendu sur le blog. Sur la communauté d'idées que vous voyez entre le titre de Marianne et mon article, je souligne que j'ai écrit un article strictement philosophique et politique, j'accuse le Président de franchir un interdit sur un point précis. Le titre de Marianne est beaucoup plus large. Maintenant, Marianne me permet d'écrire de temps en temps une chronique dans sa publication en ligne, en toute indépendance de plume et d'esprit : c'est une liberté que j'aurais tort de bouder et dont je devrais plutôt remercier ce journal.
A
A ma connaissance il n'y a en Europe que 3 pays dans lesquels a été officialisée la séparation de l'Eglise et de l'Etat: La France, le Portugal et... la Turquie.Au Royaume Uni, le Chef de l'Etat est aussi Chef de l'Eglise. Tony Blair a dû attendre de quitter son poste de Premier Ministre pour se convertir au catholicisme.Est-ce si terrible ?...Je ne suis pas croyant, mais j'ai du mal à voir en quoi les déclarations de Nicolas Sarkozy pourraient avoir la moindre influence sur ma vie quotidienne.Et quand Marianne fait sa couverture en l'appelant "Le Fou de Dieu", titre accompagné d'une caricature digne de "Je suis partout", j'y vois plus la tonalité d'un fanzine anti-sarko qu'une véritable réflexion sur la laïcité.Mais peut-être me trompé-je...
M
Il me semble que la Turquie reconnaît l'islam dans sa constitution... et qu'elle n'est pas en Europe. L'exemple du Royaume Uni : c'est un pays à tradition de tolérance. Or il ya des différences assez importantes entre le concept de tolérance et celui de laïcité. C'est en partie l'objet du livre Qu'est-ce que la laïcité ? que j'ai publié en 2007, où notamment je commente un texte de Locke, grand penseur de la tolérance. Je comprends que vous n'ayez pas le loisir de le lire, mais il y a quelques articles sur ce blog qui reprennent de façon plus brève cette étude et qui peuvent donner une idée de ces différences : Laïcité et philosophie (l'article est en téléchargement), La laïcité face au communautarisme et à l'ultra-laïcisme . Les différences sont considérables au niveau du dispositif de pensée. Elles le sont peu dans la vie quotidienne au niveau de la liberté des opinions, mais seulement lorsque tout va bien. C'est lorsque les choses tournent mal qu'on peut mesurer l'importance quotidienne des différences, en voici une : un dogmatisme religieux intégriste dont la prétention à faire la loi est hégémonique n'est pas soluble dans le régime de simple tolérance, parce que ce régime reconnaît les communautés religieuses comme interlocuteurs politiques ès qualités. Le danger principal du régime tolérant à modèle anglo-saxon est le communautarisme, danger contre lequel la laïcité est beaucoup mieux armée. Il ya un article sur ce sujet dans le blog : L'Etat de droit face au dogmatisme intégriste. Il se trouve que depuis quelque temps, des responsables politiques de ces pays de tradition tolérante s'intéressent à la laïcité "à la française" dont il était naguère bien vu de se moquer. C'est le cas au Royaume-Uni à cause de la multiplication des affrontements communautaires violents, et aux USA notamment de la part de la Présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Enfin les titres de Marianne ne relèvent pas de ma responsabilité, je ne suis pas journaliste dans cet hebdo et encore moins décideur : pourquoi ne pas leur écrire pour leur faire part de votre désapprobation?

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