27 août 1970 4 27 /08 /août /1970 18:16
L'école du sang
par Tristan Béal
En ligne le 18 septembre 2009

Quelques mois après juillet 1789, la gauche française naît dans le sang versé, celui d’un roi condamné à la guillotine. La République s’est affirmée dans la cruauté, qui est en même temps refus de l’hérédité et gloire à l’affranchissement personnel. Deux siècles plus tard, en juillet 1989, un gouvernement de gauche, par la loi d’orientation sur l’éducation (plus connue sous l’appellation de « loi Jospin »), réintroduit dans l’école le sang, c’est-à-dire la famille, la lignée. Ces deux gestes symboliques (en finir avec la famille royale et oser se gouverner par soi-même, faire des parents des acteurs de la communauté éducative) se répondent l’un l’autre et s’annulent. Car comment ne pas voir dans cette école du sang le signe précurseur d’une école du cens où les enfants (du peuple) n’auront aucun droit à l’émancipation ?

Il n’y a de République

que là où l’on sait penser librement. 

Claude Nicolet

 

L’école, pour quoi faire ?


Le temps étant à la rentrée des classes, il serait bon de se demander pourquoi autant d’enfants sont redevenus ces jours-ci des élèves.

Spontanément, on dira que l’école est un lieu où l’on passe de l’ignorance au savoir et que c’est là ce travail auquel encouragent les parents quand ils laissent leurs enfants à la porte de l’école en leur disant : « Travaille bien ! »

Ces mêmes parents affirment à leurs enfants que s’ils ne travaillent pas bien dès à présent, s’ils n’apprennent pas consciencieusement ce que leur maître(sse) leur enseigne, plus tard ils n’auront pas un bon travail. Autrement dit, l’enfant doit être docile maintenant pour que après, en tant qu’adulte, il puisse jouir d’une situation sociale enviable ou à tout le moins pas méprisable. De ce point de vue, l’école devrait dépendre du Ministère du Travail et nouer des liens étroits avec le Pôle emploi : une telle école du labeur pourvoyeuse de la future main d’œuvre sera toujours une école à la traîne et, comme on le voit depuis 30 ans, une école de l’échec, le bon métier d’aujourd’hui n’existera peut-être pas demain ou ne sera plus perçu comme tel.

L’école pourrait être aussi envisagée comme un lieu de dressage. Ecoutons toujours les parents qui disent à leur progéniture, devant la même porte de l’école : « Sois sage ! » A l’école, on apprend à se tenir, à composer avec les autres, à appliquer les règles élémentaires de la politesse. Une telle école de la socialisation, elle, dépendrait plutôt d’un Ministère de l’Education nationale stricto sensu.

L’utilité de l’école pourrait aussi être perçue dans sa fonction de garderie. Il y a peu, notre gouvernement l’a reconnu par la loi instaurant le service minimum d’accueil des enfants lors des jours de grève dans le primaire. Chaque parent ayant le droit de travailler, son enfant ne doit pas lui être une charge : aussi est-il gardé à l’école dès 8 heures du matin jusqu’à 7 heures le soir (passé 4 heures et demie, les mairies prennent le relais). Cette école de la garderie pourrait relever de la seule compétence du Ministère de la Jeunesse et des Sports.


Mais toutes ces figures-là de l’école n’épuisent pas l’idée d’école.

Historiquement, l’école française est née dans la volonté d’arracher l’enfant à la fois à ses parents et au patronat. Que l’on pense à ces sombres vers de Victor Hugo : l’école gratuite, obligatoire et laïque a été instaurée contre ce « Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre, / Qui produit la richesse en créant la misère, / Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil ! » Aux parents pauvres dont les enfants étaient une (maigre) richesse s’ils travaillaient(1), l’Etat républicain a dit : « Donnez-les-moi, ils ne sont plus à vous si vous ne voyez en eux que des bêtes de somme corvéables à merci ! »

L’école a donc été tout d’abord ce salutaire ravissement des enfants à leur famille.

Et cette figure historique de l’école comme arrachement a pour principe l’idée d’école telle qu’elle a été pensée par les Révolutionnaires de 89, ceux de 1789.

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Ecole et République, République et Ecole

 
En renversant Louis XVI puis en le condamnant à une mort ignominieuse, les Révolutionnaires ont répondu par la négative à cette question de Condorcet : « Un roi est-il nécessaire à la conservation de la liberté ? »

La mise à bas de la monarchie de droit divin, avant d’être un spectacle sanguinolent regrettable, est l’affirmation d’une idée, d’une idée de l’homme : l’homme en tant qu’homme ne saurait être le sujet d’un roi mais il doit être à lui seul son propre sujet. En d’autres termes, la disparition historique de la monarchie est la conséquence de l’affirmation courageuse qu’un homme peut penser par lui-même et qu’il n’a pas à être condamné à une minorité sans fin par la famille royale. La Révolution française dénie donc au sang (à la famille) le droit d’avoir une entière mainmise sur l’homme ; cette cruelle(2) Révolution a tué non seulement la famille royale mais l’idée même de famille : l’homme n’en est remis qu’à lui seul.

Mais très vite, pour que l’homme soit l’entier sujet de ses pensées, les Révolutionnaires ont compris la nécessité d’une école publique. Ainsi Ecole et République sont liées par principe. Une république comme régime politique où les citoyens se donnent à eux-mêmes leurs propres lois ne peut advenir que parmi des citoyens éclairés ; et ne peut être éclairé que celui qui sait, celui qui a été instruit.

L’école ne peut donc appartenir qu’au seul Ministère de l’Instruction publique(3): l’école en tant qu’école n’est pas une garderie où l’on s’adapte au monde tel qu’il est et où l’on apprend à être un bon travailleur, elle est et elle n’est que cet ouvroir de l’humanité et donc de la citoyenneté. Et l’ordre a ici son importance: c’est l’homme que l’on vise et par contrecoup le citoyen ; l’homme qui juge droitement, voilà le vrai citoyen. Une telle école n’a par conséquent que faire d’une moralisation et d’un panégyrique de l’Etat: il ne s’agit pas d’enrégimenter, de faire aimer la loi inconditionnellement, il s’agit au contraire d’apprendre à voir clair, à dégager le vrai du faux ; ce qui est la meilleure instruction civique qui soit(4).

Où l’on voit que l’Ecole n’est pas un service public comme les Postes par exemple : elle est la condition de possibilité de la République en tant qu’elle instruit le souverain(5), en tant qu’elle est cartésienne et qu’elle apprend à distinguer le vrai d’avec le faux(6).

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Ni dieu, ni maître : l’école paradoxale

 
Pour comprendre un peu mieux ce lien de principe entre Ecole et République, retournons dans les années 1880 et apprécions la réaction des conservateurs à la naissante école obligatoire, gratuite et laïque.

Dans la Déclaration des Droits de la Constitution montagnarde de l’An I est stipulé que : « L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens ». Néanmoins, il faudra attendre la campagne contre l’ignorance initiée par Gambetta pour que la loi républicaine assure effectivement la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’enseignement. Il ne faut pas oublier non plus que le coup d’Etat du 2 décembre de Napoléon III a également montré les errements possibles d’un suffrage universel mal éduqué(7).

Mais tout cela agace au plus haut point les conservateurs catholiques qui voudraient que le peuple n’ait à l’esprit que cette seule maxime : « Ignore et supporte ! » Il faut que le peuple plie l’échine ici-bas en ayant l’espoir d’une récompense après la mort, il lui faut donc être élevé dans la croyance de l’au-delà et de la juste redistribution du bonheur qui y prévaut. La science ne serait ainsi pour lui qu’un pis-aller qui mettrait à bas tous les fondements de la société bourgeoise : le communisme ne serait pas loin alors. Qu’on lui donne du pain, certes, mais pas l’instruction ! Le peuple doit rester dépendant.


Les laïques au gouvernement n’ont pas seulement les conservateurs pour contradicteurs, les socialistes et les anarchistes eux aussi sont critiques : l’Ecole émancipatrice, à leurs yeux, n’est qu’un leurre destiné à amuser le peuple et à finalement mieux lui inculquer les vertus de l’ordre, du respect de la propriété et du travail(8).

Cette critique sera reprise, sur un plan sociologique, presque un siècle plus tard par Bourdieu et Foucault. Pour le premier, l’école est un lieu de violence symbolique où le pauvre est nié dans sa culture et le riche jouit de son héritage ; elle est ce moyen pour la bourgeoisie d’exercer sa domination sur le peuple. Pour le second, l’école est violente en tant que société close : pour preuve l’architecture scolaire qui, du point de vue de l’enfermement, n’a rien à envier à l’architecture carcérale ; pour preuve, la discipline que font régner les maîtres, décalque scolaire de la discipline militaire. Ces deux critiques portent, incontestablement : l’école de la Troisième République n’a pas réalisé dans l’histoire l’idée d’école. Aussi la déploration et la nostalgie de l’avant chez ceux que déconcertent les égarements contemporains de l’école n’ont pas de poids si elles sont seules convoquées contre, par exemple, les tenants du pédagogisme et de l’école ouverte. Il faut en revenir aux principes, qui seuls permettent de juger(9).

Et tout d’abord aux mots. L’élève est celui qui s’élève vers le savoir ; le maître est celui qui maîtrise le savoir. L’élève ne se soumet pas au maître mais s’aide du maître pour s’élever vers quelque chose qu’il n’a pas encore mais dont il est déjà lourd : le maître est un marchepied et comme tel vise sa propre disparition. Nulle domination, donc. L’instruction est un processus réflexif (d’où le pronom réfléchi dans « s’élever ») qui requiert la médiation du maître mais ne s’y réduit pas. Les tenants de la pensée triste de l’école comme lieu de servitude oublient que l’évidence du savoir (ce qui fait que je suis sûr) n’est pas dans l’objet mais dans le sujet(10). Ce que Platon nous a appris par la faribole de la réminiscence : le savoir se précède toujours déjà lui-même, sinon ce ne serait qu’une inculcation en deçà du vrai et du faux, donc une socialisation qui se cacherait elle-même sous les dehors d’une vaine et débonnaire émancipation.

L’école est ainsi par essence élémentaire, il s’agit de partir du simple pour s’élever, selon ses capacités, vers du plus compliqué : mais tout progrès dépend de ce qui précède et qui est maîtrisé ; ainsi on ne s’en remet qu’à soi-même. Apprendre un savoir élémentaire c’est apprendre à penser par soi seul, c’est éprouver sa liberté, bref s’appartenir en propre tout en se soumettant paradoxalement et pour un temps à une autorité extérieure, celle du maître, et qui n’est que l’extériorisation de la contrainte des raisons qui sont la raison elle-même(11).
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Du crucifix au voile


On pourrait croire que cette mise en résonance de juillet 1789 et de juillet 1989 est vaine, que la mort de Louis XVI et l’entrée de la famille dans l’école(12), que ce sang versé d’un côté et loué de l’autre n’ont rien de commun ; il faut nous souvenir néanmoins que le ministre à l’initiative de la loi d’orientation sur l’éducation est le même qui a voulu enfermer certaines jeunes filles sous leur voile. Argument ad hominem peut-être, mais qui donne à penser.

Rappelons-nous encore les cris d’orfraie des conservateurs de la fin du XIXe siècle pour lesquels seule la religion chrétienne possédait le sens du mot « éducation » : la laïcisation de l’école pour eux entraînait rien de moins que l’énervement de toute une génération vouée à l’immoralité et à la perversion, mais aussi le châtiment de Dieu sur sa fille aînée pareillement dévoyée par la République de la libre pensée ! Chasser les congréganistes de l’enseignement(13) c’était empêcher la religion chrétienne de sauver les pécheurs, c’était enrégimenter les âmes tout en les niant, bref c’était le mal. Rendre l’école obligatoire c’était saper l’autorité de la famille, sur laquelle, on le sait, l’Eglise catholique pouvait exercer une réelle influence. Rendre l’école laïque, la déchristianiser, c’était enseigner le faux et le vice sous le couvert de l’émancipation. Enseigner aux filles c’était mettre sens dessus dessous l’état de la société(14).

Peu ou prou, les mêmes arguments sont utilisés à présent par ceux qui veulent faire du voile le linceul de l’école républicaine : tout enseignement n’est pas bon pour tous, la « morale » laïque n’est pas ce qu’elle prétend être, on s’attaque à l’intériorité de l’enfant et on la sape, on nie donc benoîtement sa liberté. L’école n’est que l’institution hypocrite de l’oppression des consciences.

D’un siècle l’autre, les arguments sont les mêmes, comme on le voit. Ce qui a changé, c’est la réponse donnée par l’Etat aux détracteurs de l’école. Loin est le temps où l’on pouvait prêter à un Gambetta ce mot fort : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » En 1989, au contraire, en pleine affaire du voile, le ministre de l’Education nationale d’alors, M. Jospin, s’était rendu coupable par son silence devant un journaliste qui laissait entendre que ces problèmes autour d’un pauvre morceau de tissu étaient la conséquence du racisme latent des enseignants. La parade gouvernementale fut aussi de renvoyer les chefs d’établissement à leur propre responsabilité, enterrant ainsi l’unité de la République.
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Vers une école du cens(15) ?


Outre l’intronisation des parents dans le sanctuaire de l’école, la « loi Jospin » est également connue pour la création des IUFM qu’elle a institués en lieu et place des anciennes écoles normales. Avec le recul des années, on sait maintenant que ces instituts ont été un haut lieu d’antirépublicanisme.

Dans ces IUFM, on affirmait que le savoir comme tel ne pouvait se manifester, autrement dit que l’évidence avait besoin de la béquille de la didactique pour lui donner la forme de son exposition. Et peu à peu il fut aisé d’abraser presque totalement le savoir pour n’en laisser qu’une coquille vide : on apprenait alors à apprendre, c’était tout.

Un autre credo était aussi d’entamer une véritable révolution copernicienne de l’école en plaçant désormais au centre non plus les savoirs (rendus du reste moribonds par leur didactisation) mais l’élève. Ce qui était mettre le bon sens enseignant à bas. Nous avons vu, contre les penseurs tristes de l’école, que la vérité ne s’impose pas de l’extérieur mais qu’elle se reconnaît par les signes que le maître dispense à ses élèves. Or centrer l’école sur l’apprenant, comme on disait, c’est faire déchoir la vérité de l’ordre des raisons vers l’ordre des faits : refuser à l’élève les éléments mais lui faire construire son savoir par tâtonnements revient à lui mettre sur les épaules un lourd et terrible fardeau, à briser devant lui le miroir de la vérité dans lequel se réfléchir tout à loisir, à le condamner à errer dans la Caverne aux mille bruits.

Enfin, les IUFM, conséquents dans leurs contre-principes, s’étaient faits les chantres de la transdiscipinarité. Les futurs enseignants ne sachant plus rien sinon de la didactique, la solitude du savoir étant jugée dangereuse, on a forcé les enseignants à travailler de conserve, peut-être pour mieux les incliner à se surveiller mutuellement et aussi à mieux se décérébrer les uns les autres : un maître laissé seul face à ses élèves, on ne sait jamais, aurait pu leur apprendre quelque chose s’insérant dans une progression par lui conduite et maîtrisée ; mais encore eût-il fallu faire crédit au maître et le croire capable de penser par lui-même et non uniquement sous influence.


L’inconvénient est que toute cette mystique pédagogiste a surtout été mise en œuvre dans ce que l’on a toujours appelé pudiquement les communes « sensibles » ou « déficitaires », c’est-à-dire pauvres. A ceux-là mêmes qui n’avaient que l’école pour s’élever, l’institution leur a opposé une fin de non-recevoir sous prétexte de ne pas les traumatiser et de respecter leurs différences ! Et pendant ce temps, dans les écoles bourgeoises, on continuait d’enseigner selon la méthode républicaine de l’analyse et de la monstration.

En l’espace de deux siècles, la gauche s’est ainsi trahie elle-même en créant un monstre d’école censitaire qui, à l’image du vote du même nom, ne profitera qu’aux seuls fortunés, les argentés ou les chanceux.
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Notes  [cliquer ici pour fermer la fenêtre et revenir à l'appel de note]

  1. En témoigne cet extrait d’un feuilleton populaire de L’Univers, journal conservateur du XIX° siècle, mettant en scène un campagnard et son cousin parisien qui lui explique les duretés de la loi de mars 1882 sur l’obligation scolaire : «Dire qu’on n’est plus maître de ses enfants ! Voilà moi (et je ne suis pas le seul), qui vas avoir besoin de mon garçon, et de ma petite, tout le temps des foins. Ensuite, c’est la moisson et la vendange… et tout le reste. Croyez-vous que je vas me priver de mes enfants quand j’ai tant besoin d’eux ? c’est moi qui enverrai promener le maître d’école s’il disait quelque chose.» (cité par Mona Ozouf, L’Ecole, l’Eglise et la République)
  2. De cruor, le sang versé.
  3. Jacques Muglioni, dans son texte La gauche et l’école (in L’école ou le loisir de penser), s’interrogeant sur le fâcheux changement de dénomination du Ministère de l’Instruction publique en Ministère de l’Education nationale, remarque : «Sait-on seulement que la même substitution, due peu auparavant au fascisme, prit fin en Italie lorsque la république eut à cœur d’y rétablir l’instruction publique ?» Cf. aussi sur ce site l’article de Samuël Tomei.
  4. Et tel serait un cléricalisme républicain qui, à l’instar du cléricalisme religieux accaparant les consciences, accaparerait, lui, l’esprit des citoyens. Comme l’a écrit fortement Condorcet : que «le gouvernement n’ait jamais aucune influence sur les choses qui sont enseignées.» (cité par Charles Coutel, La République et l’école, Une anthologie)
  5. «… l’instruction appartient au corps même de la république, car la république a pour premier devoir d’instruire le souverain, c’est-à-dire de s’éclairer elle-même.» (Jacques Muglioni, La République et l’Instruction, op. cit.) Précisons, puisque nous sommes nombreux à croire qu’en France l’autorité suprême réside dans le seul Président, que, dans ses Lettres de la montagne, Rousseau donne la définition suivante du souverain : «La volonté de tous est l’ordre, la règle suprême ; et cette règle générale et personnifiée est ce que j’appelle le souverain.»
  6. Arbogast, Rapport et projet de décret sur la composition des livres élémentaires destinés à l’instruction publique : «… l’analyse est aux sciences, elle est à l’enseignement, ce que la liberté est aux constitutions politiques: l’une et l’autre font sentir à l’homme sa dignité, et contribuent à sa perfection.» (cité par Charles Coutel, op. cit.)
  7. « Un peuple éclairé confie ses intérêts à des hommes instruits, mais un peuple ignorant devient nécessairement la dupe des fourbes qui, soit qu’ils le flattent, soit qu’ils l’oppriment, le rendent l’instrument de leurs projets, et la victime de leurs intérêts personnels. » (Condorcet, Sur la nécessité de l’instruction publique)
  8. On peut lire ainsi dans L’Intransigeant, journal d’extrême-gauche du XIX° siècle : « Hélas ! ce n’est pas encore l’heure de la justice que les déshérités attendent sous le nom de la Révolution sociale. Quoi qu’en aient dit les romantiques de la sociologie, ignorance et misère ne sont pas synonymes, et ce n’est pas en ouvrant seulement des écoles qu’on affranchira tant de millions d’hommes que le régime du salariat écrase. Il y faudra des efforts plus hardis. » (cité par Mona Ozouf, op. cit.)
  9. Claude Lévi-Strauss, à la toute fin de Tristes tropiques, confond lui aussi le plan de l’histoire et le plan des principes quand il voit dans l’alphabétisation généralisée propre à la Troisième République une façon autoritaire de faire en sorte que nul ne puisse prétendre ignorer la loi en se disant illettré : comme si savoir lire ce n’était que lire des textes de lois et rien d’autre, par exemple des livres critiquant telle loi, voire la République elle-même. L’alphabétisation généralisée est tout aussi dangereuse pour l’Etat que la conscription : on vous apprend certes à tirer, mais il vous est tout à fait loisible de retourner votre arme contre l’instructeur, ou bien l’Etat derrière lui.
  10. « Affirmer une chose comme vraie, ce n’est pas subir une contrainte imposée du dehors, mais bien proclamer la loi de notre propre nature, loi qui, au lieu de nous contraindre, de nous diminuer, de nous réduire, nous réalise au contraire, nous développe en nous unissant aux choses. L’évidence ne vient pas du dehors, mais du dedans. Ce n’est pas quelque chose d’imposé du dehors à l’esprit, mais quelque chose de projeté par lui. » (Jules Lagneau, Célèbres leçons et fragments, in Cours sur l’évidence et la certitude)
  11. « Le savoir encyclopédique […] ne connaît pas d’autre autorité que celle de la raison et de l’expérience raisonnée : parce qu’il se fonde sur une autorité que je trouve en moi-même au fur et à mesure que je me l’approprie, que je le comprends et que je le parcours, il est par lui-même liberté. Un enfant qui a compris pourquoi deux et deux font quatre est l’auteur de sa propre pensée, et Pythagore lui-même ne saurait être plus souverain. » (Catherine Kintzler, Aux fondements de la laïcité scolaire, in La République en questions)
  12. « Les parents d'élèves sont membres de la communauté éducative » (article 11 de la « Loi Jospin » du 10 juillet 1989). Il est à remarquer que l’existence de cette « communauté éducative » avait déjà été affirmée à l’article 13 de la « loi Haby » du 11 juillet 1975 : « Dans chaque école, collège ou lycée, les personnels, les parents d’élèves et les élèves forment une communauté scolaire. Chacun doit contribuer à son bon fonctionnement dans le respect des personnes et des opinions. »
  13. En mars 1880, le gouvernement décide par décrets l’application des lois existantes relatives aux congrégations.
  14. Voilà, par exemple, ce que l’on pouvait lire en 1880 dans les colonnes de La Civilisation, journal réactionnaire où l’on commente ainsi le programme des futurs lycées féminins : « En vérité, ce dont il s’agit, c’est de soustraire la femme à l’influence du christianisme. On espère y arriver en mettant dans l’éducation des filles les enseignements d’une science vaine et superficielle à la place des préceptes divins ; en substituant aux sentiments élevés, aux émotions pieuses qui découlent d’une éducation vraiment chrétienne le règne exclusif de l’utile et de l’intérêt. » (cité par Mona Ozouf, op. cit.)
  15. Au début de son article « Cens », Littré précise, toujours fidèle à sa dédaigneuse défense de l’amuïssement : « Quelques-uns font sentir l’s et disent sans’ ».
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    © Tristan Béal et Mezetulle, 2009.

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