Bloc-notes nouveauté sur Mezetulle
Travailleurs, vous coûtez toujours trop cher !
En recevant sa fiche de paye, chaque salarié peut constater, grâce à une colonne ad hoc, qu'il coûte, et qu'il coûte cher - pour un peu il se sentirait coupable. Le vocabulaire couramment admis le lui assène chaque jour : ne parle-t-on pas en effet de « charges » alors qu'on devait plutôt parler de cotisations ?
Dans son nouvel article Le coût du travail, Jean-Michel Muglioni brosse l'histoire philosophique de cette culpabilisation croissante qui désocialise le travail parce qu'elle en nie la dimension véritablement productive. Il note avec une féroce ironie le « génial » tournant qui en a inauguré la forme moderne, le passage de la ruse technique (confier le travail à des machines) à la ruse économique : faire baisser la rétribution des salariés tout en se donnant la bonne conscience de fournir du travail aux pauvres venus du tiers-monde.
A présent c'est la ruse politique qui prend le relais : fabriquer, à coups de crédits que l'on sait impossibles à rembourser, un pays à bas coût ici même en Europe, à porté de main et de corvée.
Cela est bien commode : non seulement voilà une nouvelle réserve de pauvres, mais cela permet d'exiger des « réformes » de ceux qui ont encore un peu d'espace respirable. Que le « coût » du travail comprenne le financement des services publics et de tout ce qui permet de mener une vie humaine, personne n'y pense. Ainsi s'installe l'idée qu'il y aurait de coûteux parasites économiques - les servives publics -, et qu'ils sont toujours pléthoriques. Et ainsi réformer veut dire non seulement qu'il faut baisser les salaires et déréglementer le travail, mais aussi qu'on doit cesser de financer tout ce par quoi une société s'efforce d'être une société humaine.
Lire l'article de Jean-Michel Muglioni : Le coût du travail .
Prochainement, Mezetulle publiera une recension par Edith Bottineau-Fuchs du livre de Martine Verlhac Pour une philosophie du travail (Alterbooks, 2012) à paraître dans quelques jours.
NB. Les commentaires de ce billet sont fermés, merci aux lecteurs de poster leurs commentaires sur l'article de J.-M. Muglioni.