12 juillet 2009
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Bloc-notes
Pina Bausch, le féroce émerveillement d'une danse accusée
La grande artiste chorégraphe dramaturge Pina Bausch est morte le 30 juin. C'est en voyant les pièces grinçantes du Tanztheater que j'ai compris pourquoi à la danse dite « classique »- celle qui vous en met plein la vue, qui vous distance, vous laisse loin derrière, spectateur ébloui, badaud épaté mais jamais émerveillé - je préfère la danse contemporaine qui dit à la danse en même temps qu'à ses spectateurs : « Et puis, qu'est-ce que vous voulez voir encore ? » (1)
Etre ébloui et épaté c'est se dire « ce qui se passe là-bas sur la scène est extraordinaire, mais j'en suis incapable et surtout cela ne me concerne pas ». L'éblouissement plaît et rend aveugle : on passe un bon moment et puis on se lève et on vaque à ses occupations, inchangé.
L'émerveillement de la danse contemporaine, tel que Pina Bausch l'a férocement et obstinément produit, bouscule. Il parle de moi, de mon corps, de mes gestes quotidiens portés à leur degré de monstruosité, d'absurdité, de distorsion maximale et les rend à leur foncière étrangeté ; en les exaltant de manière obsessionnelle, il leur redonne leur horreur et leur charme. Et il bouscule de la même manière toute la danse, en l'accusant, en appuyant méchamment là où ça fait mal. On y apprend ce qu'on ne tient pas trop à savoir, on en sort époustouflé et (allez, osons les gros mots) instruit. En cet état d'accusation, le corps, à la fin du spectacle, se redécouvre comme un corps perdu. Encore un gros mot : c'est, à proprement parler, une forme d'édification.
Alors oui, l'art de Pina Bausch est classique au sens où l'esthétique classique (esthétique extrémiste), cherche au-delà de la nature ordinaire le plus vrai que nature, le « rendu » - ce qu'on aurait dû voir - mais certainement pas au sens d'un dossier tranquillement classé !
1 - On se souvient de l'apostrophe de Dominique Mercy, pourchassant la virtuosité jusqu'à l'essoufflement dans Nelken.
D'autres vidéos sont à voir sur Dailymotion et Youtube.
Pina Bausch, le féroce émerveillement d'une danse accusée
En ligne le 12 juillet 2009
La grande artiste chorégraphe dramaturge Pina Bausch est morte le 30 juin. C'est en voyant les pièces grinçantes du Tanztheater que j'ai compris pourquoi à la danse dite « classique »- celle qui vous en met plein la vue, qui vous distance, vous laisse loin derrière, spectateur ébloui, badaud épaté mais jamais émerveillé - je préfère la danse contemporaine qui dit à la danse en même temps qu'à ses spectateurs : « Et puis, qu'est-ce que vous voulez voir encore ? » (1)
Etre ébloui et épaté c'est se dire « ce qui se passe là-bas sur la scène est extraordinaire, mais j'en suis incapable et surtout cela ne me concerne pas ». L'éblouissement plaît et rend aveugle : on passe un bon moment et puis on se lève et on vaque à ses occupations, inchangé.
L'émerveillement de la danse contemporaine, tel que Pina Bausch l'a férocement et obstinément produit, bouscule. Il parle de moi, de mon corps, de mes gestes quotidiens portés à leur degré de monstruosité, d'absurdité, de distorsion maximale et les rend à leur foncière étrangeté ; en les exaltant de manière obsessionnelle, il leur redonne leur horreur et leur charme. Et il bouscule de la même manière toute la danse, en l'accusant, en appuyant méchamment là où ça fait mal. On y apprend ce qu'on ne tient pas trop à savoir, on en sort époustouflé et (allez, osons les gros mots) instruit. En cet état d'accusation, le corps, à la fin du spectacle, se redécouvre comme un corps perdu. Encore un gros mot : c'est, à proprement parler, une forme d'édification.
Alors oui, l'art de Pina Bausch est classique au sens où l'esthétique classique (esthétique extrémiste), cherche au-delà de la nature ordinaire le plus vrai que nature, le « rendu » - ce qu'on aurait dû voir - mais certainement pas au sens d'un dossier tranquillement classé !
1 - On se souvient de l'apostrophe de Dominique Mercy, pourchassant la virtuosité jusqu'à l'essoufflement dans Nelken.
D'autres vidéos sont à voir sur Dailymotion et Youtube.