Bloc-notes actualité
Anaphores à la manière de et pour François Hollande
par Françoise Guichard, présidente de Reconstruire l'école
Françoise Guichard, présidente de Reconstruire l'école, a ouvert un blog personnel en 2011. Inspirée par la figure de l'anaphore tant remarquée lors du débat qui opposa les deux finalistes de l'élection présidentielle, elle s'adresse au nouveau président dès le 8 mai « afin de le rappeler au devoir d'instruction publique ». Mezetulle la remercie de l'autoriser à reprendre ici ce texte vigoureux et savoureux.
Sarkozy, c’est fini : une défaite amplement méritée, et vécue par tous ceux qui y ont un tant soit peu contribué, ne serait-ce que par leur vote, comme un véritable soulagement.
A l’occasion du débat qui opposa voici quelques jours les deux finalistes, la gent journalistique découvrit, émerveillée ébahie ravie, l’existence de l’ANAPHORE, stupéfaction indiquant bien, soit dit en passant, que le niveau ne monte pas plus à l’ISFJ (1) que chez le lycéen lambda…
La présidente de Reconstruire l’Ecole, n’écoutant que sa présomption et conjoncturellement revigorée par la victoire du candidat socialiste, n’hésitera donc pas une seule seconde avant de se lancer elle aussi dans le jeu de l’anaphore.
Si François Hollande, Président de la République, ne restitue pas à l‘Education nationale, comme il s’y est engagé, les postes dont elle a besoin, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne revient pas, comme il s’y est engagé, sur le décret n° 2012-702 du 7 mai 2012 confiant aux chefs d’établissement l’évaluation des enseignants, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne redonne pas leur valeur aux concours du CAPES – et d’abord en supprimant la honteuse épreuve de servilité dite « agir en fonctionnaire de l’Etat » --, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne rétablit pas l’année de stage des néo-titulaires, il nous trouvera résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, sous prétexte de réimpulser la recherche en pédagogie, se contente de ressusciter le fonctionnement monocolore des IUFM en y consacrant l’hégémonie du constructivisme et des pseudo-sciences de l’éducation, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne revient pas sur la scandaleuse réforme de la licence, qui a fait de l’examen un parchemin sans valeur ni contenu, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, n’abroge pas la LRU et le décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 réformant le statut des enseignants-chercheurs, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, n’entreprend pas de limiter les effets délétères de la mastérisation, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne rétablit pas le caractère national du « mouvement » (pour les non-initiés, des affectations et mutations), il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, sous couvert de favoriser l’expérimentation dans les établissements et d’assouplir leur fonctionnement, renonce aux examens, concours et programmes nationaux, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, n’abroge pas la désastreuse réforme Descoings, qui a fait du lycée une usine à gaz, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, porte atteinte, sous prétexte d’ouverture sociale, aux CPGE (seules niches préservées dans le post-bac avec les BTS et les IUT), il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, n'organise pas un débat pluraliste sur les programmes, tout d’abord ceux du primaire, et ne rappelle pas fermement l’impérieuse nécessité, pour tous les enfants qui n’ont que l’Ecole pour apprendre, de savoir lire, écrire, compter et calculer, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, n’envisage pas de revenir sur le « socle commun », ce smic culturel qui méprise l’intelligence des élèves, et d’abolir les « livrets de compétence » à remplir cette année pour la première fois de manière nationale en troisième, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne reconnaît pas l’importance d’une revalorisation des séries littéraires, tout particulièrement pour ce qui concerne les langues anciennes, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, entreprend en quelque manière de toucher aux statuts des enseignants, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, envisage, au nom d’une hypothétique pacification scolaire, de faire la moindre fleur à l’enseignement privé, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne revient pas sur les accords de Latran en rétablissant le monopole de la collation des grades, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne revient pas sur les avantages fiscaux dont bénéficient les structures (privées) de soutien scolaire ou les officines comme la « Fondation pour l’Ecole », il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne donne pas aux enseignants les moyens de faire leur travail sans être harcelés par leur hiérarchie et/ou les parents d’élèves, dont la marge d’intervention au sein des établissements mérite d’être clarifiée, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Si François Hollande, Président de la République, ne prend pas des mesures susceptibles de protéger nos collègues des violences physiques, pressions psychologiques et autres calomnies s’étalant sur les divers réseaux sociaux, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Nous n’ignorons pas que le programme socialiste pour l’Ecole est largement inspiré des thèses de l’UNSA-FEN et du lobby provisoral « Education et devenir », avec une touche de SGEN-CFDT en renfort de potage. Si François Hollande, président de la République, ne se montre pas assez pragmatique pour comprendre que ces sensibilités sont minoritaires dans le corps enseignant, il nous trouvera, résolus, sur son chemin.
Notre intense satisfaction de voir messieurs Chatel et Sarkozy coiffés du bonnet d’âne et relégués au coin après avoir reçu un sérieux coup de règle sur les doigts ne signifie pas pour autant que nous accordons des bons points a priori à François Hollande, Président de la République.
Car nous avons de la mémoire.
Nous nous souvenons d’Allègre, de sa violence haineuse, de sa morgue, de son mépris.
Nous nous souvenons de Meirieu, de sa « consultation des lycéens » si scandaleusement démagogique, et des dérives que celle-ci entraîna en termes de déréglementation de l'école et d'instauration d'enseignements sans contenu ni programme, comme les TPE et l'ECJS.
Nous nous souvenons de Mme Royal proposant, devant un parterre ricanant de proviseurs et de principaux épanouis par leur propre audace, de porter à 35 heures le service hebdomadaire des professeurs de collège et de lycée.
R.E., comme le collectif Sauver Les Lettres et quelques autres associations de défense de l’Ecole et des humanités, naquit des « comités anti-Allègre », et peut repartir au combat « avec sous les talons les côtes de Rossinante, et sur les grands chemins le bouclier au bras ».
C’est pourquoi, à présent que François Hollande est élu Président de la République, nous resterons en permanence critiques et vigilants, afin de le rappeler au devoir d’instruction publique. Résolus.
1 - Note de Mezetulle sur quelques sigles employés dans le texte. ISFJ : Institut supérieur de formation au journalisme. LRU : loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités. CPGE : classes préparatoires aux Grandes écoles. TPE : travaux personnels encadrés. ECJS : éducation civique juridique et sociale. RE : Reconstruire l'école.