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Majorité arithmétique et majorité politique : suffit-il d'être en plus grand nombre pour faire la loi ?
Les lois sont votées à la majorité et obligent tout le monde, y compris ceux qui ne les ont pas voulues. Mais de quel droit ? Si ce n'était qu'une question de nombre, on ne voit pas en quoi la pression des plus nombreux sur les moins nombreux aurait autorité : elle n'a que la force et force ne fait pas droit. La force contraint, mais elle n'oblige pas et dès qu'on peut s'y soustraire, on autant de droit à le faire qu'elle en avait à nous contraindre. Il faut donc qu'il y ait autre chose dans ce recours à la majorité des votants, et que le concept de majorité politique soit distinct, par au moins quelque propriété, de celui de majorité arithmétique.
Dans son article La décision d'une majorité peut-elle fonder l'autorité de la loi ?, Jean-Michel Muglioni réfléchit sur cette question et rappelle, sur les traces de Rousseau, une des conditions élémentaires permettant de l'éclairer : pour que le vote ait un sens républicain et non pas despotique, c’est-à-dire pour qu’il porte sur la chose publique et ne fasse pas qu’exprimer l’intérêt d’une partie, quel que soit son nombre, il faut que tous, députés de l’assemblée ou citoyens de l’Etat, soient d’avance assurés qu’il n’est pas le déguisement d’un rapport de force. Cela suppose notamment (1) que chacun, citoyen ou élu, s'interroge, non pas sur ce qui est bon pour tel ou tel, pour tel ou tel groupe, mais pour tous pris généralement. Ainsi, on n'oubliera jamais qu'il suffit qu'un seul soit opprimé pour que tous le soient.
Lire sur ce blog l'article de Jean-Michel Muglioni La décision d’une majorité peut-elle fonder l’autorité de la loi ?
- Ce petit « notamment » n'est pas une simple figure de précaution. En effet, je [CK] pense que la condition rousseauiste d'une réflexion en termes de volonté générale, si elle est nécessaire, n'est pas suffisante pour répondre à la question de la légitimité des décisions prises à la majorité des voix. Il faut lire Rousseau, certes, mais il faut lire aussi Condorcet qui relance la question et modifie la solution proposée par Rousseau. Mais commençons par le commencement : d'abord Rousseau, qui nous apprend ce qu'est un peuple au sens politique du terme, et comment un peuple se distingue d'une simple collection, quels qu'en soient le nombre et la composition. Les lecteurs trouveront à la fin de l'article de Jean-Michel Muglioni un lien menant vers un exposé de la position et de la solution de Condorcet.
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